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Guide de conception et de gestion écologique des cimetières

(2) Conception : Réaménager les cimetières existants - Végétaliser partout
Réfection des espaces minéralisés - Les plantes couvre-sol et sedums - Accueillir la biodiversité

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L’usage des pesticides dans les cimetières, identifiés comme espaces à contraintes par les gestionnaires, participe à la pollution urbaine. L’interdiction de ces produits, imposée par l’extension de la loi Labbé, conduit les collectivités à trouver des alternatives qui demandent souvent des investissements supplémentaires, et sont pour la plupart chronophages. Le passage à une gestion écologique et différenciée est la seule voie possible pour ne pas augmenter le coût et le temps d’entretien, tout en respectant la loi. Ce guide, réalisé par l’ARB îdF,
a pour objectif d’accompagner les gestionnaires dans une meilleure conception et gestion de leurs cimetières.
Il apporte des solutions concrètes pour faire du cimetière un espace de nature à part entière.

Réaménager les cimetières existants

 

Enherbement semé ou spontané

L’enherbement - trottoirs, allées principales et secondaires… - permet de simplifier l’entretien - arrêt de l’usage des herbicides, entretien facilité par une simple tonte ou fauche -, de réduire les zones minéralisées du cimetière - désimperméabilisation -, de ne plus avoir de problèmes de ravinement de la chaussée, d’améliorer les conditions d’infiltration de l’eau, et d’avoir un aménagement durable plus favorable à la biodiversité.

Cette technique comporte donc de nombreux avantages, mais la difficulté réside dans son acceptation pendant la période de mise en œuvre. C’est pourquoi ce réaménagement doit être accompagné d’une communication envers les usagers afin de rendre l’enherbement plus acceptable par les usagers.

L’enherbement consiste à semer ou à laisser pousser une ou plusieurs espèces floristiques en remplacement d’un sol stabilisé ou imperméabilisé. Les allées ainsi que certaines surfaces minéralisées du cimetière sont idéales. Cette technique permet également de réduire les surfaces de sol à nu - lutte contre les risques d’érosion - , améliore la filtration et l’infiltration de l’eau et augmente la biodiversité des sols.

Les coûts sont variables en fonction du type d’enherbement. Un enherbement spontané ou semé coûtera moins cher et sera nettement plus pérenne que la pose de plaques engazonnées pré-cultivées, mais la pousse sera évidemment plus longue. Attention, les espaces ne peuvent être enherbés que si le passage du matériel d’entretien est possible, comme les tondeuses par exemple. Pour des espaces difficiles d’accès, les plantes couvre-sol (voir en bas de page) seront utilisées de préférence.

Là où les interventions avec des méthodes traditionnelles ne sont pas envisageables, l'hydroseeding ou ensemencement hydraulique - ou hydro-ensemencement - est une technique d'application par projection hydraulique destinée à la réalisation d'engazonnement. C’est un substitut rapide et peu coûteux. Ce procédé consiste à mélanger les semences avec l'engrais choisi - non chimique et non impactant pour l’environnement - ainsi qu’un produit liant et du paillis, le tout avec de l’eau en proportions précises à l’intérieur d’un réservoir.


Enherbement spontané dans le cimetière de Montgé-en-Goële (77) Lucile Dewulf

Allées engazonnées dans le cimetière Nord-Est à Caen (14) Ville de Caen

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Enherbement et accessibilité, c'est possible !

L’enherbement du cimetière, et des allées en particulier, est souvent mis en opposition à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. L’argument présenté est que les allées végétalisées sont difficilement praticables pour les personnes âgées - principaux usagers des cimetières - ou pour ceux rencontrant des difficultés à se déplacer.
Les voies de passage doivent respecter des normes de circulation en faveur des personnes à mobilité réduite :

  • largeur du cheminement : 1,40 m libre de tout obstacle, 1,20 m si aucun mur ou obstacle de part et d’autre du cheminement ;
  • trous, fentes, ressauts inférieurs à 2 cm ;
  • pente 5 % maximum, dévers 2 % maximum.

La végétalisation, au contraire, peut concilier à la fois les enjeux de gestion mais aussi ces contraintes réglementaires.
Les allées principales peuvent restées minéralisées et carrossables pour permettre le passage des véhicules et le déplacement des personnes. À l’inverse, les allées secondaires peuvent être enherbées et permettre aux personnes de cheminer en sécurité en utilisant des dalles alvéolées ou des pavés avec joints enherbés.


Enherbement d’un trottoir dans le cimetière de l’Est à Rennes (35)
Jonathan Flandin

Enherbement d’un trottoir dans un cimetière nantais (44)
Jonathan Flandin

Enherbement d’une allée secondaire dans le cimetière des Gonards à Versailles (78)
Jonathan Flandin

Enherbement d’une allée secondaire
dans le cimetière de Boutigny-sur-Essonne (91)
Ophélie Ricci
Exemples d’opérations de réaménagement
pour le cimetière de Courdimanche (95)
Végétaliser partout

Au-delà de l’enherbement des allées, il est intéressant de recenser tous les espaces qui, dans l’enceinte du cimetière, peuvent faire l’objet d’une végétalisation. Ainsi, les entrées, les abords des allées, les pieds d’arbres, l’intérieur des espaces d’inhumation, les tombes délaissées et en reprise, ou les pieds de murs, sont autant d’opportunités de diversifier la végétation notamment par la plantation de haies, de massifs fleuris, de plantes grimpantes - le long des murs -, d’arbustes isolés - sur des reprises de concession - ou encore de flore spontanée.

à gauche : Végétalisation d’un pied d’arbre
dans le cimetière des Fauvelles à Courbevoie (92)
Arp-Astrance/ EcoJardin

à droite : Végétalisation d’une tombe délaissée
dans le cimetière des Gonards à Versailles (78)
Jonathan Flandin

Réfection des espaces minéralisés

 

Les actions de réfection peuvent concerner les espaces suivants : voiries, joints des caniveaux, et inter-tombes.
Ces travaux permettent de conforter la politique d’arrêt d’usage des pesticides sur les surfaces minérales.
La réfection de certaines allées ou entretombes permet de réduire les coupures de revêtement et de limiter ainsi la pousse de certains végétaux. Les techniques de rénovation emploient, dans la mesure du possible, des matériaux écologiques : dalles alvéolées, réemploi de pierre locale…
Les blocs, pavés ou dalles avec joints ciments ou engazonnés, peuvent être utilisés pour les allées ou les assises du mobilier urbain : bancs, panneaux, poubelles… Les pavés non jointés - pavés drainants, dalles enherbées - peuvent être mis en place pour marquer certains accès secondaires. Le passage de la tondeuse suffit en général à les entretenir.
La réutilisation des matériaux disponibles sur place, comme les anciennes pierres tombales, peut être envisagée dans la réfection de certaines parties du cimetière. C’est l’option retenue par la ville de Strasbourg dans la rénovation des soutènements, escaliers et clôtures du cimetière Saint-Gall. Cette initiative a permis à la ville de diviser les coûts par quatre.

Exemple d’inter-tombes à réparer dans le cimetière des Gonards à Versailles (78)
Jonathan Flandin

Les plantes couvre-sol et sedums

Certains espaces sont difficilement accessibles, ce qui complique leur entretien. Cela concerne le pourtour des tombes, les intertombes, les pieds de murs, ou les espaces de forte pente. Les plantes couvre-sol permettent de réduire les interventions au niveau de ces espaces et empêchent l’apparition d’une flore spontanée non désirée. Elles peuvent aussi être installées au pied des haies ou des arbres. Les espèces vivaces locales ou ayant une utilité pour la faune seront favorisées.

Les plantes couvre-sol peuvent être utilisées dans des espaces difficiles d’accès,
comme ici dans le cimetière de La Garenne-Colombes (92) à l’arrière des tombes.
Marie-Christine Dubernard


Source : Exemple de coûts CG24 (2011), Fiche 5 Les plantes couvre-sol

Accueillir la biodiversité  

Étourneaux sansonnets (Sturnus vulgaris) Rudy Bueno

Les cimetières, tout comme les parcs, squares et jardins, jouent un rôle dans la trame verte urbaine. Ils font partie du maillage et participent à l’enrichissement de la biodiversité notamment en milieu urbain. Il est donc important de penser dès la conception à un accueil de la faune et de la flore. La gestion, le choix d’espèces floristiques locales et l’aménagement de micro-habitats pour accueillir la faune sont autant d’actions qui favorisent la biodiversité.

Un diagnostic initial de la biodiversité permet d’identifier les éventuelles espèces présentes dans le cimetière et dans sa périphérie. Ces inventaires permettent de cibler les aménagements pour la faune les plus judicieux à installer. La mise en place de suivis annuels de la faune et de la flore aide à montrer les effets des pratiques de gestion écologique sur la biodiversité. Ainsi, les programmes de sciences participatives tels que le Protocole Papillons Gestionnaires ou Florilèges Prairies urbaines sont des outils idéals pour former les agents à l’observation de leur environnement, aux impacts de leurs pratiques et au suivi de la biodiversité.

Il existe de nombreux aménagements artificiels favorables à la biodiversité : les abris à insectes, le muret de pierres sèches, les nichoirs, ou les gîtes à chauves-souris. Ces habitats de substitution doivent être choisis et pensés selon les espèces observées dans le cimetière, en s’appuyant sur l’expertise des naturalistes, et en lien avec les inventaires effectués. L’aménagement d’habitats naturels est également possible : une mare, des zones laissées en prairie de fauche ou en libre évolution, une placette de sol quasi nu pour accueillir les abeilles sauvages, la conservation des vieux arbres, un tas de bois mort ou un tas de pierres. Ces aménagements, qu’ils soient artificiels ou naturels, ont à la fois un rôle d’accueil pour la biodiversité, mais également une fonction pédagogique pour sensibiliser les usagers.

La libre expression de la flore sauvage permet le développement de la biodiversité et l’embellissement naturel du cimetière. Et pour la végétation semée et/ou plantée, il faut diversifier au maximum la palette végétale, les strates - herbacée, arbustive, arborée - et privilégier les espèces locales. Les modes de gestion appliqués sur ces espaces comme la fauche tardive ou le pâturage peuvent favoriser certains cortèges floristiques et faunistiques. Il est également important d’intervenir aux bonnes périodes dans l’année pour ne pas perturber le cycle de vie des espèces présentes dans le cimetière, et ainsi favoriser leur installation.


Nichoir à mésanges dans le cimetière parisien
de Bagneux (92) Marie Blondel

Bois mort dans le cimetière communal
de Fontainebleau (77) Arp-Astrance/EcoJardin

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Guide de conception et de gestion écologique des cimetières

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................L'Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB îdF) a voulu, dès sa création, sensibiliser sur les dangers des pesticides, et................ ................accompagner les collectivités dans la mise en œuvre d’une gestion écologique et différenciée de leurs espaces. C’est un axe essentiel de son................ ................action, car les pollutions aux nitrates et aux pesticides comptent parmi les deux principales causes de perte de la biodiversité en Île-de-France,
................la seconde étant la disparition et la fragmentation des habitats naturels dues à l’urbanisation et aux infrastructures.
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Les cimetières sont souvent la dernière difficulté dans la mise en place de pratiques sans intrants chimiques et plus respectueuses de l’environnement. Une conception très minérale et une perception des herbes folles liées au sentiment d’abandon en sont la cause. La diversité des personnes qui interviennent dans la gestion - collectivité, entreprises de pompes funèbres, familles des défunts - complexifie encore plus la démarche de transition écologique.
L’objectif de ce guide est de donner aux collectivités et aux professionnels les clés essentielles pour concevoir et gérer différemment leurs cimetières, tout en respectant la règlementation actuelle, encore trop souvent méconnue. De la conception à la gestion, en passant par la communication, tous les éléments présentés ici sont le fruit de la synthèse de nombreux ouvrages, fiches techniques, expériences, et rencontres en France et en Europe.
arb-idf.fr