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Étude Retour d'expérience du quartier Montorgueil
Un quartier de Paris Centre, piétonnisé dans les années 1990

(1) Présentation du quartier
Une évolution des mobilités au profit des piétons
Aménagement de l’espace public et place de la végétation



Le quartier Montorgueil est situé dans Paris Centre, au sein du IIe arrondissement de Paris. La piétonnisation a été réalisée au début
des années 1990, comprenant un secteur délimité par les rues d’Aboukir, Réaumur, Saint-Denis et Étienne Marcel. L’objectif de la création
de ce quartier piétonnier visait, avant la réduction quasi totale de la circulation automobile, à retrouver une fonction résidentielle et un cadre
de vie de meilleure qualité. Il est apparu intéressant de dresser un bilan des effets observés depuis 30 ans dans ce quartier, d'identifier,
analyser et évaluer les évolutions, et d'esquisser un panel d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant d’évaluer et
de suivre les impacts liés à la limitation de la place de la voiture dans l’espace public.

Présentation du quartier

Le quartier Montorgueil constitue un ensemble de rues piétonnes s’articulant notamment autour de la rue Montorgueil, et formant une extension du quartier piéton des Halles.

Il est traversé par la rue Montorgueil, axe principal avec de nombreux commerces d’alimentation et de restaurants, rejointe par de nombreuses voies perpendiculaires, les rues Mandar, Bachaumont, Léopold Bellan, Tiquetonne et Greneta. Au nord, la rue Montorgueil est prolongée par la rue des Petits-Carreaux. La rue Saint-Denis constitue la limite est du secteur tandis que le sud est limité par la rue Étienne Marcel et l’ouest, par la rue du Louvre. Enfin, les rues Réaumur, des Petits Carreaux et Léopold Bellan forment les limites nord. L’ensemble affiche une grande cohérence morphologique. C’est un quartier à la fois habité - 5 132 habitants - mais également fréquenté par ceux qui viennent y travailler - 6 570 emplois -, faire des courses, se restaurer…

Périmètre d'étude : quartier Motorgueil

 
Superficie du quartier Montorgueil piétonnier : 13,8 ha
Travaux de piétonnisation :
1991-1994
 

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Une évolution des mobilités au profit des piétons

La desserte interne du secteur pour les riverains, professionnels et accès réservés est préservée.

La réduction de la place de la voiture au profit des piétons

Le quartier Montorgueil a été peu affecté par les grands travaux d’Haussmann, sous le Second Empire. Avec ses ruelles sinueuses et ses trottoirs étroits, le quartier a conservé la physionomie du Vieux Paris.

Dans les années 80, l’espace public est encombré par un trafic automobile intense, le stationnement des voitures sur chaussée et sur trottoir de jour comme de nuit, et les livraisons en continu, liées en particulier à la présence des ateliers de confections présents dans le quartier. Alain Dumait, Maire du IIe arrondissement, disait en 1989 : Si l’on veut sauver ce quartier de la ruine qui le menace, il faut choisir entre le piéton et l’automobile.

Ces différents constats mènent alors à la piétonnisation du quartier : dès 1991, son accès est régulé par des bornes rétractables automatiques, installées à ses 5 entrées principales, et la circulation automobile y est fortement réduite, notamment rue Montorgueil, mais également dans les rues adjacentes. Faisant figure de quartier piéton pionnier, le quartier devient l’une des zones urbaines piétonnes les plus vastes de France. En 2007, le tronçon de la rue Montmartre compris entre la rue Étienne-Marcel et la rue du Louvre sera également piétonnisé.

Toutefois, en 2011, les bornes, à l’entretien jugé trop couteux*, sont désactivées par la Ville, entraînant un regain de circulation non-autorisée dans le secteur. À l’été 2013, un nouveau plan de circulation est réalisé, avec comme objectif de réguler la circulation de transit.

La piétonnisation du quartier s’est faite en préservant la desserte interne du secteur pour les riverains, les professionnels et les accès réservés : pompiers, déménageurs, collecte des déchets, service à la personne…
Ainsi, le quartier est accessible en permanence aux :

  • piétons et vélos, y compris à contre sens ;
  • véhicules des habitants possédant un macaron ;
  • véhicules possédant une place de parking ou de garage dans la zone, munis d’un macaron ;
  • véhicules souhaitant accéder aux parkings présents dans la zone ;
  • taxis pour la desserte interne ;
  • véhicules de secours et de dépannage ;
  • véhicules des services municipaux intervenant sur le secteur.

Pour livrer des marchandises, seuls les véhicules de livraison d’une surface de moins de 20 m² sont autorisés à s’arrêter pendant 30 minutes selon des tranches horaires limitées : de 6h et 10h et de 13h30 et 15h30 et de 6h à 11h et de 13h30 à 16h30 pour les véhicules propres.

Lors de la mise en place de la zone piétonne, des travaux visant à requalifier l’espace public sont menés. L’asphalte des rues est remplacé par des pavés de marbre de Carrare, dont la couleur permet de distinguer clairement la frontière des emprises réservées aux piétons, créant l’atmosphère d’un village. La bordure des trottoirs, réalisée dans un matériau différent de celui de la chaussée et du trottoir, est en granit. Les aménagements s’accompagnent de plantations, d’installations de bancs et de fontaines, pour le confort des piétons.

La piétonnisation du quartier a également permis de désencombrer l’espace public, notamment par le retrait de l’ensemble des potelets utilisés pour lutter contre le stationnement illégal sur trottoirs.

Lors de la piétonnisation du quartier, des travaux d’élargissement des trottoirs ont ponctuellement été réalisés.

Si aujourd’hui le quartier compte encore environ 2,7 km de trottoirs étroits - inférieur à 1,6 m - sur plus de 5,5 km de trottoirs et 5 km de voirie, les piétons peuvent se déplacer sur la chaussée.

L’effet conjugué de la piétonnisation et des travaux d’élargissement de trottoirs ont permis un vrai gain d’accessibilité aux Personnes à Mobilité Réduite pour lesquelles les trottoirs étroits et encombrés constituaient des obstacles à la circulation.

Avant / Après : La rue Mandar, très stationnée en 1991,
constitue aujourd’hui une rue apaisée et désencombrée

La réduction du stationnement

Lors de l’enquête préalable au projet de piétonnisation du quartier, il avait été recensé 1 200 voitures, soit 0,28 voiture par ménage. On évoque alors une saturation automobile du quartier du fait du fort trafic et du nombre important de véhicules stationnés sur les voies. On peut lire que les voitures sont enfermées dans des embouteillages permanents. Le stationnement anarchique sur la chaussée aussi bien que sur les trottoirs oblige jeunes et personnes âgées à se faufiller quotidiennement entre les véhicules, quand ils ne sont pas bloqués par une camionnette en train de décharger.

Avant / Après : La rue Léopold Bellan en 1991,
avant la piétonnisation du quartier, et 30 ans plus tard, en 2021

Si la piétonnisation a entraîné la suppression de 500 places de stationnement sur voirie, 700 places de stationnement en ouvrage permettent de répondre aux besoins du quartier. Ces places sont réparties en ouvrages, rue Réaumur, place du Caire, rue Sainte-Foy, boulevard de Sebastopol, rue Montmartre, rue de Palestro et rue Saint-Martin.

Par ailleurs, de 1999 à 2005, on constate dans Paris une baisse du taux de motorisation des ménages qui s’est traduite sur le secteur par une réduction de 10 à 20 %. La voie publique à l’intérieur du quartier est interdite au stationnement ; seul l’arrêt sur la chaussée est permis et limité à 30 minutes : afin de livrer ou décharger des marchandises, de prendre en charge ou d’accompagner un passager… Le disque de livraison doit être apposé sur tous les véhicules à l’arrêt : automobiles, scooters, motos… La vitesse de tout véhicule motorisé est limitée à la vitesse d’un homme au pas.
En complément, le stationnement vélo s’est développé atteignant une offre d’environ 130 emplacements Vélib’, répartis sur 5 stations, et d’environ 240 places de stationnement vélos.

 

Plan de circulation actuel

* Les entrées et sorties des véhicules étaient strictement régulées, 24h/24 par une cinquantaine de fonctionnaires, opérant depuis deux PC, grâce à des caméras de surveillance et des interphones.

 


Panneau indiquant les modalités de circulation pour les véhicules motorisés dans le quartier Montorgueil, rue Française. © Apur - Vincent Nouailhat

 
 
Avant / Après : La rue Léopold Bellan, où les potelets empêchaient le stationnement des voitures en 1991, présente aujourd’hui un profil épuré, libre de mobilier superflu, et des trottoirs plus généreux.
2,7 km de trottoirs étroits rendus accessibles par la piétonnisation de la voirie
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Aménagement de l’espace public et place de la végétation
 

Allée Pierre-Lazareff © Apur - Vincent Nouailhat

© Apur - Vincent Nouailhat Rue Tiquetonne

Une présence végétale largement renforcée

Au début des années 90, le quartier, bien qu’à dominante très minérale, disposait de quelques plantations d’arbres, sur l’Allée Pierre-Lazareff - une quinzaine de tilleuls -, la rue Léopold Bellan - 4 féviers -, et la place Goldoni : 2 noisetiers de Byzance.

Les travaux de piétonnisation ont permis de renforcer la place de la végétation dans le quartier.

La création d’un alignement d’arbres rue Montmartre en 1992, accompagné d’un élargissement des trottoirs, a profondément changé le paysage et l’ambiance de la rue, qui s’en trouve plus apaisée et agréable à parcourir.

Les arbres de la rue Tiquetonne ont été plantés à la fin des années 1980, puis complétés lors des travaux de 1992.

Cette dynamique de végétalisation des espaces publics se poursuit aujourd’hui encore, rue Bachaumont, bénéficiant depuis 2015 de la plantation d’une douzaine d’arbres, ou encore la place Goldoni, avec 3 noisetiers de Byzance, plantés en 1996, 2015 et 2016. Enfin, la placette entre les rues d’Aboukir, de Montmartre et du Louvre compte 4 nouveaux arbres - 2 érables et 2 sorbiers - depuis 2017, venant compléter les érables déjà présents, ainsi qu’une grande plantation arbustive et herbacée, transformant radicalement l’atmosphère de la place.

Situé à l’intersection des rues Saint-Sauveur et Dussoubs, devant le Mur des vents - installation murale conçue en 1974 -, un jardinet d’environ 30 m² a été aménagé en retrait d’alignement d’immeubles.

Le quartier dispose également d'un certain nombre de bacs végétalisés, comme rue Française et rue Greneta.

Au total, le quartier compte 78 arbres, et une trentaine d’arbres supplémentaires situés dans les écoles du quartier : école maternelle Dussoubs, école polyvalente Étienne Marcel, école élémentaire de la Jussienne, et le collège César Frank.

Pistes de réflexions

La création de la zone piétonne a permis d’améliorer le cadre de vie des habitants du quartier grâce au retraitement des espaces publics et à la réduction de la présence de l’automobile, en diminuant notamment la pression de la demande de stationnement qui encombrait autrefois les voies, au profit d’espaces publics plus généreux - notamment les trottoirs -, pacifiés, et plus végétalisés.

Le stationnement était jusqu’alors peu organisé, très présent dans l’espace public, et perçu comme une contrainte, ou un conflit d’usage, par les piétons et cyclistes. Sa restructuration et sa rationalisation s’inscrivent dans une logique de meilleure utilisation des parkings en ouvrage, un contexte de baisse du taux de motorisation à Paris, et intègre une réglementation d’accès à la zone piétonne adaptée pour assurer la desserte des riverains et véhicules de livraison.

Le quartier Montorgueil pourrait se doter de nouvelles plantations sur ses voies, comme l’illustre l’étude du potentiel de végétalisation de l’espace public menée par l’Apur en 2020. C’est le cas notamment de la rue Étienne Marcel, de la rue du Louvre, de portions de la rue Montorgueil, de la rue Dussoubs, ainsi que de portions de la rue Saint-Denis et de la rue Réaumur.

 

© Millot Bernard - Ville de Paris

© Apur - Vincent Nouailhat
 

Avant / Après : La rue Montmartre, autrefois minérale et stationnée, en 1991, est aujourd’hui une rue apaisée, profitant d’un alignement d’une douzaine de micocouliers.


Esquisse de principe pour l’étude sur les espaces publics à végétaliser apur.org
© Apur

 

Rue Léopold Bellan © Apur - Vincent Nouailhat

Potentiel de végétalisation de l'espace public
 
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Étude Retour d'expérience du quartier Montorgueil
- Août 2021
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L'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), association régie par la loi 1901, a été créé le 3 juillet 1967 par le Conseil de Paris. Depuis le 1er février 2012, Dominique Alba, architecte, en est la Directrice générale. L’Apur a pour missions de documenter, analyser et développer des stratégies prospectives concernant les évolutions urbaines et sociétales à Paris et dans la Métropole du Grand Paris.
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L’Atelier a souhaité faire un retour d’expérience sur le quartier Montorgueil, piétonnisé dans les années 90. Ce quartier piéton unique à Paris, habité par 5 132 habitants, accueille aussi des activités économiques importantes avec ses 6 570 emplois. La création de la zone piétonne a permis d’améliorer le cadre de vie du quartier, grâce à la requalification des espaces publics, plus généreux et végétalisés. Les travaux de piétonnisation ont également eu un impact bénéfique sur la qualité de l’air et l’ambiance sonore du cœur de quartier. L’analyse de la structure commerciale du quartier atteste d’un dynamisme certain des établissements, et d’une évolution de la typologie de commerces, avec l’arrivée de cafés et restaurants un peu plus nombreux, et l’installation de services aux habitants. Ce retour d’expérience d’une réalisation unique à Paris permet de réfléchir aux indicateurs à mobiliser pour évaluer et vivre les grandes transformations à venir de l’espace public.

Directrices de la publication : Dominique Alba, Patricia Pelloux - Étude réalisée par : Pauline Chazal, Vincent Nouailhat - Sous la direction de : Patricia Pelloux
Avec le concours de : Yann-Fanch Vauléon, Sandra Roger, François Mohrt - Cartographie et traitement statistique : Christine Delahaye

apur.org