Pendant
le confinement, les spécialistes de l’Agence régionale
de la biodiversité Île-de-France vous proposent d’observer
les oiseaux sans bouger de chez vous afin que même les plus urbains
d’entre nous, ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir profiter
d’un jardin ou même d’un balcon, puissent se reconnecter
à la nature. Maxime Zucca, naturaliste et ornithologue,
vous propose d’apprendre à connaître ou reconnaître
les différents oiseaux présents dans notre région,
à partir de ses observations, réalisées en début
de printemps 2020, durant le confinement.
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M. Vaslin

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Il
fait froid en ce moment, ce qui calme un peu les ardeurs des chanteurs.
Sauf des Mésanges charbonnières, qui chantent déjà
depuis le mois de janvier !
Si vous n’avez aucun arbre et que des toits ou des façades
devant chez vous, ça va être difficile de la voir.
Mais un seul arbre suffit. La bande noire - ou cravate
- en travers de la poitrine la distingue du 1er coup d’oeil
de la Mésange bleue. C’est de cette coulée
noire qu’elle tient son nom, charbonnière.
Vous
pouvez apprendre à distinguer le mâle de la femelle
: celui-ci a la cravate noire qui s’élargit
nettement vers le bas du centre - photo ci-contre -, alors qu’elle
est plus fine et s’interrompt avant le bas ventre chez la
femelle. Les jeunes venant de sortir du nid ont une cravate à
peine visible.
On rencontre la Mésange charbonnière vraiment partout
et son chant ne vous est probablement pas inconnu. Le plus fréquent
est un ti-tu
ti-tu ti-tu. Mais il y a beaucoup de variantes, moins
flutées ; à
note unique répétée ; elles ont également
d’assez nombreux cris
et babillages et ce
cri d’alarme.
Elle n’est pas toujours facile à reconnaître
à l’ouïe de la Mésange bleue au début.
Lorsqu’un autre mâle pénètre dans un
territoire, le mâle montre une posture agressive, déployant
la queue et allongeant la pointe de la tête vers le haut,
avant de déployer également les ailes et de s’ébouriffer.
Mais le reste de l’année, les mésanges circulent
en groupes sociaux, se mêlant aux autres espèces
de mésanges, mais aussi aux roitelets, pouillots…
Les mésanges ne sont pas toujours les oiseaux paisibles
que l’on s’imagine. Elles peuvent se muer en prédateurs
féroces capables de tuer des chauves-souris ou même
des oiseaux de leur taille, comme ce
sizerin filmé en Finlande. Âmes sensibles s’abstenir.
©
W. Weenink
Elles se nourrissent de toutes sortes d’insectes au printemps
et en été. Les chenilles sont très appréciées
pour nourrir les jeunes, même celles des chenilles processionnaires
! La Charbonnière recherche plutôt ses proies dans
la partie basse des arbres, alors que la Mésange bleue
patrouille vers les cimes : moins de concurrence.
En hiver elles se reportent sur les végétaux. Elles
seront les premières à venir aux mangeoires, et
même une boule de graisse suspendue à un balcon les
attire rapidement. Idéal pour faire découvrir les
oiseaux aux enfants ! Mais en hiver seulement.
Elles
construisent leur nid dans un trou d’arbre ou de mur. Elles
adorent les nichoirs : si vous voulez attirer un oiseau près
de chez vous, c’est l’espèce parfaite. Elles
dorment également dans les cavités le reste de l’année.
À Paris, on l’a vu nicher dans des lampadaires, toutes
sortes de poteaux, portiques de parkings...
Il y a entre 750 et 1 000 couples dans Paris intra-muros, et elle
est en augmentation, comme un peu partout en France d’ailleurs.
On la trouve dans toutes les villes françaises. Elle est
sinon très commune dans les tous les milieux arborés
ruraux, y compris au cœur des forêts.
Les
nichées comportent souvent 6 à 8 jeunes, qui s’envoleront
dès le début de mai. Chaque jeune reçoit
30 à 70 becquées par jour, vous imaginez le travail
! Il faut regarder
ce montage fait par Benoit Segerer à partir de la caméra
qu’il avait installée dans son nichoir.
Elles
font souvent 2 nichées dans l’année, dans
2 nids différents. La plupart ne survivront pas à
leur première année : elles ne font que 2 juvs par
couples, qui se reproduisent l’année suivante pour
que la population soit stable.
Cette scène
d’envol, toujours par Benoit Segerer à Moret-sur-Loing
(77), est touchante !
Et il leur faut après apprendre par eux même ce qui
se mange... et ne se mange pas !
À moins que ce jeune ait eu d’autres desseins avec
cette pince à linge ? |
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LPO Île-de-France/J. Lejeune
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DR |
La
mésange bleue |
Aussi
commune que la Charbonnière, elle s’en distingue
par l’absence de cravate noire, la calotte bleue et le fin
trait noir qui traverse la tête par l’œil. Elle
est un peu plus petite, et encore un peu plus nerveuse. La femelle
a le bleu de la calotte et des ailes un peu plus terne que celui
des mâles, mais sinon les deux sexes se ressemblent beaucoup.
En cette saison, elle inspecte minutieusement les branches, les
feuilles, les bourgeons, pour picorer le moindre insecte, dans
toutes sortes de position, souvent suspendue à l’envers.
Elle s’attaque aux gales des mineuses, même les pyrales
du buis la craignet. Elle peut aussi venir manger la graisse mal
nettoyée du barbecue de Greg.
On peut observer encore en ce moment son vol nuptial, plus fréquent
en forêt : le mâle s’élance d’une
branche en vol plané zigzaguant et papillonnant, tout
en chantant, et voici ses
cris les plus fréquents, plus aigus que ceux de la
Charbonnière.
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Maxime Zucca/ARB ÎdF
Comme la Charbonnière, elle niche dans des trous. Cependant,
comme elle est un peu plus petite, si vous voulez favoriser cette
espèce en particulier pour diversifier votre voisinage,
un nichoir à trou d’entrée de 28 mm de diamètre
permettra de favoriser la Mésange bleue, plus menue.
Les
Mésanges bleues d’Europe du Nord et de Russie effectuent
certaines années de grandes migrations, lorsque les fructifications
de bouleau se font rares dans la taïga.
On
les voit alors passer en vol en continu un peu partout, et elles
viennent gonfler le contingent local. On distingue d’ailleurs
bien les années de migration des Mésanges bleues
du Nord sur les effectifs dénombrés lors des suivis
participatifs hivernaux Oiseaux
des jardins.
Vous pouvez tous participer à ce programme de sciences
citoyennes Oiseaux des jardins depuis un balcon ou depuis
votre jardin, et contribuer à l’amélioration
des connaissances. Patientez juste quelques jours car le confinement
a provoqué un afflux de participants et le nombre maximal
d’inscription a été atteint ! Belle nouvelle
!
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Warren Photographie
En
1921, dans une banlieue de Southhampton, en Angleterre, les habitants
s’aperçoivent que les bouteilles de lait livrées
à leur porte sont régulièrement percées.
Inventée indépendamment à plusieurs
endroits, cette contagion gagne rapidement la région, puis
le pays. Les mésanges danoises et suédoises le font
également.
Elles ne percent que les capsules dont la couleur signale la présence
de lait non-écrémé : car elles recherchent
la crème. Est-ce seulement par l’observation que
ce comportement s’est si vite répandu ?
Tout indique que les mésanges l’auraient surtout
déduit de la seule observation du signe de l’effraction
: le trou percé.
Les Mésanges bleues ont aussi leur côté punk.
Gare à qui les manipule : elles piquent du bec en cherchant
la peau du bord des ongles jusqu’à faire saigner.
Et elles volent super vite ! |


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Ophélie Ricci/ARB ÎdF
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LPO Île-de-France/L. Lannou |
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LPO Île-de-France/J. Lejeune

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F. Malher
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LPO Île-de-France/ V. Ferriot
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C’est
le plus rare des trois espèces de pigeons de France. Et
lui aussi, on le rencontre en ville, y compris dans toute l’agglomération
parisienne.
À
l’origine, il s’agit d’un oiseau forestier nichant
dans les trous d’arbres. Les grands arbres d’alignement
des villes tels que les marronniers et les platanes, régulièrement
élagués, constituent des emplacements idéaux
pour placer son nid dans les trous laissés suite à
l’élagage. Il les occupait déjà à
Paris au XIXe siècle.
Quand ce sera de nouveau possible, ne traversez plus le Jardin
du Luxembourg sans rechercher le colombin à l’entrée
de son trou dans les platanes des allées du Luxembourg
- qui accueille l’une des plus grande densités connues
en France - ou du Jardin des Plantes ! Vous ne le verrez
jamais - ou alors exceptionnellement - à terre sur un trottoir,
ni même sur les pelouses d’un parc.
Il
jette sinon depuis quelques décennies son dévolu
sur les mitrons des cheminées parisiennes. L’arrêt
des feux de cheminée a sans aucun doute favorisé
le colombin, qui y trouve un emplacement idéal pour son
nid. Pour repérer l’espèce de chez vous, inspectez
donc les toits et en particulier ces fameux mitrons.
Avant
le premier atlas des oiseaux nicheurs de Paris, coordonné
par Frédéric Malher, jamais nous n’aurions
pensé que la population parisienne atteignait un tel niveau
: au moins 300 couples, hors bois. La population apparaît
stable depuis. Comme les ramiers, beaucoup vont s’alimenter
dans les champs en grande couronne. Il est également commun
dans Lyon et Dijon, mais peu commun à Lille, Toulouse,
Strasbourg, absent à Marseille et Montpellier.
Il ressemble assez au Pigeon biset - pigeon de ville -, mais n’a
pas les deux barres noires sur l’aile, et la pointe noire
des ailes contraste avec le reste du dessus gris presque uni.
Son œil noir - et non rouge - se distingue particulièrement
au milieu de la tête, tout comme son bec jaunâtre
et les reflets verts du côté du cou et la poitrine
rosée.
En vol, il est également facile à reconnaître
une fois qu’on a compris l’astuce : alors que le pigeon
des villes a le dessous de l’aile blanc et une tache blanche
au croupion, le colombin est tout gris avec juste le bout des
ailes et de la queue noire. Il n’a pas de bande blanche
à l’aile comme le ramier.
En
cette saison, on le voit beaucoup faire son vol territorial, avec
des battements lents et très amples, les ailes se touchant
presque en haut. Les parades sont fréquentes : les couples
montent en vol à la verticale en face à face ou
en se suivant. Posé, le mâle fait des révérences
à la femelle, la queue étalée vers le haut
et la tête vers le bas.
Il
chante depuis février, un chant que l’on entend sans
l’écouter, mais une fois enregistré dans l’oreille,
vous vous rendrez compte que l’oiseau est plus fréquent
que vous ne le supposez : évoquant un mélange entre
un pigeon et un hibou, c’est une
série de wououh assez sourds.
On
a remarqué que le colombin nichait parfois... dans les
contrepoids de béton des grues de chantier ! Vous remarquerez
peut-être, à l’occasion, qu’il niche
même dans les trous de boulin de la façade de Notre-Dame
!
Ramier,
biset ou colombin, l’épervier ne fait pas la différence
: toujours bon à chasser. Et vous, désormais ? |
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Maxime Zucca/ARB ÎdF |
Le
rouge-gorge |
Le
froid est parti pour durer... Mais ce matin un Rouge-gorge chantait
de l’autre côté de ma rue, alors que je ne
l’avais pas entendu du printemps : il vient probablement
de revenir de migration !
Un
peu de verdure est nécessaire pour l’attirer...
Car oui, on a beau voir le rouge-gorge en hiver, c’est un
migrateur, et si une partie de nos rouge-gorges reste en hiver,
une partie part. Et de nombreux autres nous arrivent d’Europe
du Nord. Les équipes du muséum qui baguent régulièrement
au Jardin des Plantes y ont capturé plusieurs
fois des rouge-gorges bagués en Scandinavie.
Il
s’approche plus encore des habitations en hiver, à
la recherche de nourriture. Pour l’aider à passer
l’hiver, de la graisse ou des noix ou des noisettes broyées
en miettes lui conviendront : avec son petit bec d’insectivore,
il ne peut pas casser les grosses graines de tournesol des mésanges.
©
Maxime Zucca/ARB ÎdF
Il
picore sinon dans la litière des feuilles mortes à
la recherche des myriades d’insectes, d’araignées
et de vers de terre qui s’y trouvent. C’est un oiseau
qui passe l’essentiel de son temps au sol : il a d’ailleurs
d’assez longue pattes, pour un oiseau de cette taille.
Chez
les passereaux, le chant du mâle sert à attirer la
femelle autant qu’à défendre son territoire.
Bien sûr, les mâles essaient parfois de s’emparer
du territoire d’un autre, il y a alors bataille. La plupart
des oiseaux ne sont territoriaux que pendant la nidification.
Les rouge-gorges le sont toute l’année, mâle
et femelle. Du coup, la femelle chante aussi. C’est un
chant cristallin, aigu.
Il est parmi les premiers à le lancer en forêt, avant
l’aube, et parmi les derniers, alors que le crépuscule
tombe. Le cri lui sert aussi à marquer son territoire.
Le plus courant est un
tac-tac-tac, lancé en balançant le
corps nerveusement.
En ville, le rouge-gorge chante même la nuit, mais davantage
en raison du bruit que de la pollution lumineuse. L’étude
du rouge-gorge de Sheffield, Royaume -Uni, a montré que
c’était celui qui nichait dans les zones les plus
bruyantes qui chantait la nuit. Va-t-il modifier son comportement
en ce moment ?
Il
niche au sol, ce qui le rend particulièrement vulnérable
vis-à-vis des chats. Le nid est caché sous une souche,
une roche... Mais on a déjà trouvé des nids
construits dans un arrosoir, ou une botte oubliée dans
le coin de l’atelier de jardin. La femelle y couve ses 5-6
oeufs en avril ou mai, pendant que le mâle la ravitaille.
Entre
180 et 250 couples nichent à Paris, en nette augmentation
au cours des 10 dernières années. Pourtant la tendance
est au déclin en France sur la même période.
Est-ce l’amélioration des pratiques dans les espaces
verts qui s’est faite sentir à Paris ?
©
J.B. Alemanni
La
seule étude ayant montré un rôle des ondes
électromagnétiques sur la migration des oiseaux
l’a été en étudiant le rouge-gorge.
Ce ne sont cependant pas les ondes Wifi ou 4G qui perturbent l’orientation
de ce migrateur, mais les fréquences AM des radios et des
appareils électroménagers.
Le
jeune rouge-gorge ne ressemble que peu aux adultes. Il ne gardera
ce plumage moucheté que quelques semaines, le temps d’apprendre
à faire du vélo. |

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© LPO Île-de-France/L. Didion |
©
LPO Île-de-France/O. Laporte |
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Chronique
Depuis ma fenêtre - Les oiseaux
....
Par Maxime Zucca, naturaliste et ornithologue,
pour l’Agence régionale de la biodiversité
en Île-de-France, qui a pour missions
.... d’évaluer
l’état de la biodiversité, de suivre
son évolution, d’identifier les priorités
d’actions régionales, de diffuser les bonnes
.... pratiques
et de sensibiliser le public à sa protection.
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Créée en 2018, l’Agence
régionale de la biodiversité en Île-de-France
(ARB ÎdF) est le fruit d’un partenariat
fort entre
la Région Île-de-France et l’Agence française
pour la biodiversité (AFB), avec l’Institut
d’aménagement et d’urbanisme
d’Île-de-France (IAU ÎdF) comme opérateur
et le soutien de l’État et de l’Agence
de l’eau Seine-Normandie. L’ARB ÎdF constitue
une plateforme de coopération renforçant les
missions de services publics de ces organismes. Née
de Natureparif et forte de
10 années d’action au service de la biodiversité,
l’objectif de l’ARB ÎdF est de renforcer
l’action engagée et de l’ancrer durablement
dans les territoires, tout en contribuant activement à
la Stratégie nationale pour la biodiversité.
Avec une nouvelle fonction d’ingénierie, l’Agence
travaillera aussi à l’émergence et l’essaimage
de projets vertueux. Portée par le département
dédié à la biodiversité de l’IAU
ÎdF, elle a été la première Agence
régionale de la biodiversité opérationnelle
sur le territoire français.
arb-idf.fr |
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