Paysage et biodiversité

(2) La ville de Courbevoie (92) : Jardiner la ville
Le chemin des parcs (93) : Relier les espaces de nature

 


Ces deux notions, bien qu’ayant toutes deux trait à des systèmes dynamiques vivants, n’ont pas toujours été considérées ensemble dans
les projets de transformation ou de création d’espaces publics, notamment en milieu urbain. Il semble qu’aujourd’hui cela prenne un sens culturel et symbolique particulier, et que l’urbain soit sur le point de se reconcilier avec des aspects sauvages qui étaient jusqu’à présent évincés. Seront présentés huit exemples de projets exposant la complémentarité des approches paysagères et écologiques, favorisant
la biodiversité de même que l’usage. L’enjeu est de démontrer par l’exemple qu’un aménagement peut répondre aux exigences
d’une biodiversité fonctionnelle, en s’intégrant dans le paysage et inversement tout en répondant aux besoins des populations.

La ville de Courbevoie (92) : Jardiner la ville

La ville de Courbevoie (92), située au pied des tours de la Défense, évolue dans un contexte très urbain où la pression foncière est très forte. Chaque espace libre est potentiellement constructible. Pourtant, la dynamique de cette commune vise plutôt le verdissement de chaque espace libre. Grâce à une stratégie opportuniste de valorisation écologique des espaces verts, Courbevoie présente un paysage de nature en ville étonnamment présent compte tenu de son fort contexte urbain.
Cette démarche totalise aujourd’hui 286 aménagements verts plus ou moins conséquents représentant 31 hectares du territoire de Courbevoie : 7,4 % de la superficie totale. Chacun traduit une opportunité de verdissement :

  • le parc Nelson Mandela, possédant une zone de récupération des eaux de pluie, inutilisée et inaccessible au public, où la végétation spontanée a été valorisée,
  • les emprises des dispositifs Vigipirate devant les écoles ont été végétalisés et aménagés en de petits parcs,
  • des tranchées fertiles dans le cimetière des Fauvelles ont été réalisées pour végétaliser cet espace auparavant nu en raison de la présence de phytosanitaires dans les couches superficielles du sol,
  • le parc de l’école des Vanettes dont le périmètre d’extension de l’école est actuellement valorisé en tant que coeur de biodiversité urbaine.


Densité d’espaces verts à Courbevoie

La somme de petits projets finit par former une véritable synergie écologique et paysagère. L’aspect multi-sites amène une densité verte favorable à la nature en ville et au cadre de vie des habitants. Le tout est mis en cohérence avec une gestion douce valorisant les techniques alternatives et écologiques : désherbage manuel, recours aux prédateurs naturels...

Ainsi la commune a été récompensée par le Conseil National des Villes et Villages Fleuris qui lui a accordé la Fleur d’or 2015. Afin de décrire la démarche de la ville de Courbevoie dans sa pluralité, 3 exemples distincts sont présentés.

La Ville a signé une convention avec l’association Espaces,
qui travaille à l’insertion des jeunes par l’écologie urbaine.


L’allée des vignerons, une rue transformée par les habitants

Coincée entre le collège des Bruyères et un immeuble d’habitations, l’allée des vignerons n’avait d’autre fonction que de servir d’accès aux véhicules de pompier en cas de sinistre. Peu empruntée, elle était régulièrement le lieu d’actes d’incivilité.

La municipalité a alors décidé de lancer un chantier participatif pour désasphalter partiellement et végétaliser cette rue. A l’occasion de la fête des jardins, l’allée des Vignerons a été tranformée en rue jardin. Là où l’asphalte recouvrait le trottoir, 30 pieds de vigne, 6 arbres fuitiers, des plantes aromatiques, des baies et 8 petits potagers ont été plantés.

Réaménagement de l’allée des vignerons

Des peintures artistiques ont été réalisées sur le sol par les habitants, encadrés par des professionnels.


Les riverains se sont réappropriés cette rue transformée en promenade plantée qui est aujourd’hui respectée.
Elle donne maintenant l’occasion aux passants de contempler un paysage inhabituel tout en les sensibilisant à la place de la nature en ville.


Le square du Château-du-Loir, un espace valorisant l’ensemble des usages

La fermeture à la circulation routière du Château-du-Loir, au nord de Courbevoie en limite avec la commune de la Garennes-Colombes, a permis la création d’un square, inscrit dans le prolongement d’une coulée verte de 4 000 m² aménagée en 2011. Ce square a fait l’objet d’une restructuration en 2013 et s’étend désormais sur une surface de 5 865 m².

Initialement à vocation routière, ce projet forme aujourd’hui une liaison douce entre deux rues, répondant ainsi aux besoins de déplacement locaux.

Schéma de l’inscription du site dans la trame urbaine

L’ambition donnée par la commune était de répondre à l’ensemble des usages des riverains. Ainsi la friche industrielle a laissé place à des jardins partagés, un potager, une aire de jeux, de loisirs et même un espace bosselé pour les amateurs de VTT. C’est aussi un espace de promenade formant une connexion douce entre deux rues.



La square et La Défense
© Ville de Courbevoie - Yann Rossignol

Le jardin partagé © Ville de Courbevoie

La mare © Ville de Courbevoie
La biodiversité présente à l’origine est préservée et valorisée. Une mare a été reconstituée permettant à un écosystème particulier de se développer. Une gestion écologique est appliquée sur l’ensemble du square.
Cet îlot de biodiversité s’inscrit dans un paysage très urbain qui n’est pas caché mais au contraire souligné et assumé. Les dalles de l’ancienne usine ont pour exemple été conservées, témoin de l’histoire d’un site et de l’histoire des riverains.

Le jardin aux papillons

Courbevoie déploie une biodiversité urbaine originale. C’est ce que l’on ressent au détour de la rue Hudri, lorsque l’on s’aventure dans le jardin aux papillons. Un terrain accolé à l’école des Vanettes, réservé pour une future extension, a été transformé en un jardin provisoire dédié à l’observation des papillons et propice à la contemplation. À l’origine, un stationnement provisoire était prévu.

© Ville de Courbevoie

Ce jardin a été conçu en partenariat avec le Museum national d’Histoire naturelle et l’association Noé Conservation. Un écosytème pour favoriser l’accueil de papillons a été reconstitué. Une prairie fleurie y a été plantée. Un hôtel à insecte ainsi que des aménégements en bois naturels ont été conçus avec l’aide des riverains.

Le jardin aux papillons : un projet opportuniste permettant de créer un espace de biodiversité au cœur d’un environnement très urbanisé.
Tout en participant à la préservation de la biodiversité, ce jardin représente une rupture dans le paysage urbain de Courbevoie et offre un espace sauvage
et naturel aux citadins, comme une clairière, une respiration au milieu du béton.

L’ambition paysagère de Courbevoie en faveur de la protection de l’environnement permet d’améliorer le cadre de vie et le bien-être des citoyens, de les impliquer dans les projets, de valoriser l’image de la commune, de sensibiliser les habitants à leur environnement et de préserver la biodiversité urbaine.
Qu’importe si à terme un site sera urbanisé, il est systématiquement verdi pour implanter, même temporairement, la nature en ville.
Il sera intéressant d’observer l’évolution de cette démarche. La dynamique de densification issue des politiques territoriales de l’Île-de-France finira-t-elle par inverser la tendance ? La multitude des espaces verts se structurera-t-elle en un réseau plus défini ?


Le chemin des parcs (93) : Relier les espaces de nature

Projet du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, le Chemin des Parcs a pour ambition de relier les grands pôles de nature de la Seine-Saint-Denis par des voies piétonnes et cyclables au sein d’un aménagement écologique et paysager global. Le but recherché est de développer la nature en ville et de développer les modes de déplacements doux dans un contexte urbain très contraignant, de faible qualité paysagère. Trois objectifs composent ainsi ce projet :

  • faciliter les accès aux parcs et aux lieux de vie : Le Chemin des Parcs favorise la promenade et la détente mais forme également une axe de passage permettant les déplacements quotidiens vers les lieux de travail, vers différents services.
  • redécouvrir la nature en ville : Les habitants sont invités à profiter du patrimoine naturel et architectural de leur territoire. Le tracé des différents tronçons privilégie en effet les points de vue et panoramas remarquables. Ce projet a aussi vocation à créer de nouveaux espaces publics et de nouveaux milieux naturels. Facilitant ainsi le déplacement des espèces et confortant le réseau écologique départemental.
  • favoriser les animations et les activités pédagogiques : Des panneaux pédagogiques informent le promeneur tout au long de sa balade sur le paysage qui l’entoure, le patrimoine architectural, les modes de gestion écologique... C’est aussi un lieu idéal pour mettre en place diverses animations sur la biodiversité, les paysages, les modes de déplacements doux...

70 km de cheminements sont prévus pour mailler l’intégralité du département tout en répondant aux enjeux écologiques, paysagers et de mobilité. Pour l’heure, deux tronçons sont réalisés représentant 7 km de linéaire. Leurs aménagements seront détaillés ci-après pour mettre en lumière les aspects paysagers et écologiques portés par le Chemin des Parcs. Un troisième tronçon est aménagé mais les pratiques de gestion douce y sont encore en phase de test.

Trame verte et bleue

Le Chemin des Parcs se base sur le réseau écologique départemental, visant à recréer ou conforter les continuités écologiques du territoire pour faciliter la circulation des espèces. En effet, ces dernières ont besoin de se déplacer pour se nourrir, se reproduire, se reposer et assurer leur survie. En milieu urbain, il existe de véritables ruptures de ces déplacements. Des aménagements favorables à l’implantation de la biodiversité et à ses déplacements sont installés le long de ces nouvelles continuités.
L’enjeu écologique est d’autant plus fort que le Chemin des Parcs tend à relier un grand nombre des pôles de nature qui appartiennent à l’ensemble de sites Natura 2000 formant la Zone de Protection Spéciale Sites de Seine-Saint-Denis, issue de la Directive Oiseaux. Cet aménagement du département répond ainsi à la logique de mise en réseau des différents sites Natura 2000.

La liaison Forêt de Bondy / Parc forestier de la Poudrerie

Représentant un linéaire de 3,5 km, ce tronçon a été aménagé en 2010. Établissant une liaison directe entre deux pôles de nature, cette section devait répondre à de forts enjeux écologiques précisément dictés par les objectifs du réseau Natura 2000.
L’itinéraire de cet aménagement le place au contact de nombreux éléments paysagers remarquables. En quelques kilomètres, le promeneur est ainsi amené à contempler :

  • une zone agricole ponctuée de nombreuses friches,
  • des alignements d’arbres cadrant de lointaines perspectives,
  • le parc de la Ferme de Montceleux et son belvédère révélant le grand paysage du territoire,
  • les grands mails plantés, incluant plusieurs alignements d’arbres parallèles formant des espaces ouverts.

Les principes d’aménagement du Chemin des Parcs, se basant sur les circulations douces et la nature en ville, ont ainsi mis en valeur ces atouts paysagers. Soit en les incluant dans le tracé, soit en organisant des liaisons douces avec eux.
Les abords végétalisés contribuent à la trame verte locale et amènent un caractère sauvage qui tranche avec le caractère urbain de certains secteurs. Des mares à vocation pédagogique et écologique ont été aménagées. Elles possèdent une richesse intrinsèque en biodiversité et viennent densifier le réseau local de milieux humides.
Ce tronçon s’articule avec un itinéraire du Plan Département des Itinéraires de Promenade et de Randonnée (PDIPR) formant ainsi un point d’accroche entre ce dernier et le Chemin des Parcs. Son impact sur les mobilités douces du territoire en est ainsi amplifié.

La liaison Parc forestier de la Poudrerie / Parc du Sausset

Premier tronçon réalisé en 2009, d’une longueur de 3,7 km bordant la RD40, il est également celui ayant bénéficié du premier état des lieux en 2014. Sa particularité vient du fait qu’il correspond à un aménagement paysager préexistant réalisé dans le cadre de la création d’une piste cyclable, livrée en 2008. Le Chemin des Parcs a ainsi apporté une forte dimension écologique.
Symbolisant une transition entre l’urbain et les terres agricoles, ce tronçon possédait donc déjà des caractéristiques paysagères affirmées : une esthétique très dessinée et des vues largement ouvertes sur la zone agricole.
Grâce à la démarche du Chemin des Parcs, les usagers peuvent aujourd’hui y observer :

  • des espaces végétalisés diversifiés, en cohérence avec la flore locale et épurés d’espèces exotiques envahissantes,
  • des bandes boisées aux strates variées,
  • des milieux ouverts plus ou moins entretenus donnant à voir différents degrés de naturalité,
  • des noues végétalisées et paysagères périodiquement en eau selon les intempéries,
  • le ruisseau du Sausset aux berges moins abruptes, moins minérales et donc plus naturelles.

Ce tronçon est le premier à avoir bénéficié d’un bilan d’expérimentation après 4 années de gestion écologique. Le Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien (CBNBP) souligne ainsi que les milieux suivent actuellement une évolution naturelle. La biodiversité s’y installe peu à peu. Cela ajoute à cette continuité écologique un rôle de refuge pour la biodiversité urbaine.

Une stratégie basée sur une planification

Le tracé du chemin des Parcs trouve son origine dans la cartographie du réseau écologique du territoire identifiée lors de l’élaboration de la Trame Verte et Bleue départementale.
En 2009, une étude générale de faisabilité a été menée sur l’ensemble du territoire de la Seine-Saint-Denis afin d’identifier des premiers tracés constituant le chemin des Parcs. Pour chaque tronçon, les enjeux écologiques et paysagers sont définis dans une étude dédiée. Cette étude est le point de départ de la concrétisation du chemin des Parcs mais aussi de celle de la Trame Verte et Bleue.
Elle sert également d’outil de concertation avec les communes, les associations et les riverains. Le tracé proposé a vocation à être ajusté en fonction des différents projets et opportunités d’aménagement du territoire concerné.

Espace multifonctionnel : déplacements, habitats , gestion des eaux
© Conseil Général de la Seine-Saint-Denis

Multifonctionnalité

L’aspect trans-thématique de cette démarche d’aménagement implique la nécessité de valoriser de concert l’écologie, le paysage et les déplacements. Pour y parvenir, plusieurs solutions sont mises en place :

  • des bandes végétalisées avec des espèces locales formant des corridors de la trame verte et placés entre les cheminements doux et les voies de circulation routière pour maintenir une continuité et une cohérence paysagère,
  • des ouvertures du tracé vers les éléments naturels voisins permettant d’enraciner le Chemin de Parcs dans son environnement urbain,
  • un appui systématique sur les élements existants dans une logique d’harmonisation avec les trois enjeux, comme le montre l’exemple du tronçon où l’aménagement a principalement consisté en une valorisation écologique du cheminement qui possédait déjà des atouts paysagers.

Les qualités plurielles de ces aménagements font ainsi écho à celles des pôles de nature qu’ils relient.

Une animation incessante

Le premier tronçon réalisé a permis d’éprouver les méthodes de gestion mises en place grâce à son bilan d’expérimentation. Le CBNBP acte par ses relevés leur action de valorisation écologique. Parmi les objectifs visés, on peut citer :

  • la diversification des habitats et le développement de zones de refuge,
  • la conciliation des enjeux de la Trame Verte et de la Trame Bleue
  • la suppression des espèces exotiques envahissantes dès leur apparition
  • la favorisation des espèces locales adaptées à la faune locale en laissant s’exprimer les espèces spontanées.

Une formation du service des espaces verts du conseil départemental a été opérée. Cette démarche est indispensable pour faire prendre conscience des enjeux aux opérateurs et assurer la rigueur de la gestion écologique.


Voie douce au bord du canal de l’Ourcq © Conseil Général de la Seine-Saint-Denis

Plan du chemin des parcs à l’échelle
du département de la Seine-Saint-Denis
Les aménagements du Chemin des Parcs forment une pleine valorisation
des continuités écologiques de la Seine-Saint-Denis.

Mare pédagogique en bord de cheminement
© Conseil Général de la Seine-Saint-Denis

Multiplicité des types d’aménagement
© Conseil Général de la Seine-Saint-Denis

Gestion écologique des abords de la piste existante © Conseil Général de la Seine-Saint-Denis

La plus-value du Chemin des Parcs s’applique même sur des zones récemment aménagées. L’aménagement de ce tronçon montre que le Chemin des Parcs sait à la fois s’adapter à la multitude des éléments paysagers locaux et créer de nouveaux milieux.


Schéma du tronçon 1 du chemin des parcs, bordure de la RD401

Affichage pédagogique © Conseil Général de la Seine-Saint-Denis
L’initiative du Chemin des Parcs, portée par le Département de la Seine-Saint-Denis, forme une prolongation logique de l’inscription des parcs départementaux dans le réseau Natura 2000. Pour l’heure seuls deux tronçons sont aménagés et focalisés sur l’Est pour renforcer la ceinture vert de l’Île-de-France. Le Chemin des Parcs priorise ses trois enjeux - écologie, déplacements et paysage - pour définir le tracé des aménagements, avant de passer à la problématique foncière. La principale conclusion du bilan est de toujours privilégier la continuité des pratiques de gestion sur une longue durée afin de laisser le temps aux habitats de trouver leurs équilibres.


Brochure Paysage et biodiversité


La Direction Régionale et Interdépartementale de l’Environnement et de l’Énergie (DRIEE) d’Île-de-France souhaite sensibiliser les élus, techniciens,
maître d’ouvrage, maître d’oeuvre, à la protection de la biodiversité et la valorisation du paysage dans les projets d’aménagement.

Cette brochure présente huit exemples de projets exposant la complémentarité des approches paysagères et écologiques, favorisant la biodiversité de même que l’usage. L’enjeu est de démontrer par l’exemple qu’un aménagement peut répondre aux exigences d’une biodiversité fonctionnelle, en s’intégrant dans le paysage et inversement tout en répondant aux besoins des populations.

 

Ouvrage réalisé par la DRIEE :
Direction Régionale et Interdépartementale de l’Environnement et de l’Énergie d’Île-de-France
Auteurs : Antoine Abarnou, Adrien Solacroup, Marie Genêt - G2C Territoires / Altereo
Édition Juin 2018

driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr