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Tara Polar Station
La Fondation Tara Océan retourne en Arctique

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(1) Les enjeux
L’Arctique, révélateur de la crise climatique
3 questions aux directeurs scientifiques du programme de recherche Tara Polaris
3 questions à Kathy Law, Chimiste de l’atmosphère

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18 ans après une première expédition au pôle Nord, à bord de la goélette Tara, les équipes de la Fondation Tara Océan ont imaginé et
conçu un nouveau programme scientifique d’une toute autre ampleur en Arctique, pour accélérer la recherche sur le climat et la biodiversité.
La construction de Tara Polar Station, nouvelle base scientifique dérivante, a commencé en septembre 2023 et a été achevée en avril 2025
par les Constructions Mécaniques de Normandie à Cherbourg, en France. Climatologues, biologistes, physiciens, écologues, glaciologues, océanographes, médecins, journalistes, artistes et marins embarquent dans une nouvelle aventure hors norme pour étudier l’Arctique,
et son évolution au cours des deux prochaines décennies. Dans cet environnement hostile et très difficile, ces nouveaux
explorateurs vont repousser les limites de la recherche arctique, notamment dans l’obscurité de l’hiver polaire.
Étienne Bourgois, Président, Tara Ocean Foundation - Romain Troublé, Directeur Général, Fondation Tara Océan

Les enjeux  

Le lancement de Tara Polar Station s’inscrit pleinement dans les objectifs de la Fondation Tara Ocean : explorer l’Océan et partager les découvertes scientifiques pour comprendre et protéger la vie sur Terre. Avec cette base scientifique spécialement conçue pour l’environnement arctique, la Fondation dispose d’une plateforme de recherche de pointe pour surveiller l’Arctique avec des coûts d’exploitation maîtrisés. La station est conçue pour être un centre de collaboration fédérant la communauté scientifique internationale. Cette nouvelle exploration scientifique, sous pavillon français, contribuera au déploiement en Arctique de la Stratégie polaire française à horizon 2030.

Pleinement engagée dans ce projet, la communauté internationale pourra mieux comprendre l’Arctique, cet environnement inconnu, clé de lecture de l’avenir de notre planète et de l’humanité, ainsi que de l’évolution de la biodiversité dans un environnement extrême. Véritable sentinelle du climat, l’Arctique est menacé à très court terme, comme le prévoit le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Pourtant, l’Arctique abrite des connaissances décisives pour mieux anticiper les conséquences de la crise climatique et des pollutions.

L’environnement arctique est extrêmement riche, et fait l’objet de peu d’études sur le long terme. Les champs d’exploration sont très larges et comprennent notamment : la migration des organismes marins boréaux vers l’Arctique et leur adaptation ; les interactions entre les nuages, la glace de mer et l’Océan qui déterminent le climat ; l’impact du changement global sur le fonctionnement des écosystèmes en Arctique ; la recherche en biotechnologie et en biomédecine ; l’adaptation de la vie en conditions extrêmes au fil des saisons.

Ces nouvelles connaissances sont porteuses d’espoir pour mieux comprendre et préserver ce qui peut encore l’être en Arctique, mais aussi ailleurs. Grâce à la collaboration des centres de recherche internationaux, les nouvelles données scientifiques informeront les responsables politiques sur la protection et la gouvernance de l’Océan, en Arctique et au-delà.

Dès la première expédition, Tara Polaris I, et jusqu’en 2045, nous serons tous plus riches de connaissances stratégiques que ces explorateurs polaires vont collecter en Arctique, et partager avec l’humanité entière. Nous nous lançons dans une aventure ambitieuse, pleinement conscients de la responsabilité de notre génération dans la construction d’un avenir durable.

© 3D Kadeg Boucher, Architectes Olivier Petit / Bureau Mauric · Fondation Tara Océan

 

L’Arctique, révélateur de la crise climatique

 


© Grant Redvers · Fondation Tara Océan

L’Océan Arctique couvre 14 millions de k, une superficie équivalente à 5 fois celle de la mer Méditerranée. Ce territoire de glace est bordé par 8 pays : la Russie, la Norvège, la Suède, la Finlande, le Danemark - Groenland -, l’Islande, le Canada et les États-Unis : Alaska. La limite météorologique de l’Arctique est définie par une ligne isotherme de - 10°C en juillet, seuil en dessous duquel les arbres ne poussent plus. Sa limite géographique est le cercle polaire arctique.
La majeure partie de la surface de l’océan Arctique gèle chaque hiver. Avec le changement climatique, l’étendue, l’épaisseur et le volume de la glace de mer ont considérablement diminué, et une grande partie de l’Arctique est désormais libre de glace en été. Chaque été, cette couche de glace fond de moitié pour ne plus recouvrir en septembre que 1/3 de cet Océan.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique qu’il n’y aura pratiquement plus de banquise en fin d’été, à l’horizon 2045, sous l’effet des dynamiques en cours.

L’Arctique est au cœur de la crise climatique. Le bassin central de l’océan Arctique est la région du monde qui se réchauffe le plus rapidement, 3 fois plus que la moyenne mondiale. Les effets sur l’environnement sont déjà très perceptibles : réduction de la banquise, altération de la qualité de la glace, absorption d’une plus grande quantité d’énergie solaire, fonte du pergélisol, et augmentation de l’humidité dans l’air.

Ces changements rapides ont des répercussions importantes sur les écosystèmes et les organismes à la base de la chaîne alimentaire de la région, tels que le plancton, ainsi que sur les mammifères marins emblématiques, notamment les ours polaires, les renards arctiques, les bélugas, les narvals et les phoques.

L’objectif du programme de recherche Tara Polaris est de documenter et de comprendre la dynamique de ces transformations, de collecter des données scientifiques et d’identifier la richesse de la biodiversité locale. L’adversité de cet environnement extrême et dynamique n’a jamais permis d’étudier à long terme la biodiversité et la biogéochimie marine de l’Arctique central. Tout au long de l’année, et pendant plus de deux décennies, les équipes à bord de Tara Polar Station poursuivront leur mission scientifique au cœur même de la banquise polaire.

3 questions aux directeurs scientifiques du programme de recherche Tara Polaris

Marcel Babin, océanographe polaire, CNRS/Université Laval (France/Canada)
Directeur scientifique de l’expédition Tara Polaris I

Lee Karp Boss, océanographe biologique, Université du Maine (USA)
Directrice adjointe de Tara Polaris I

Chris Bowler, biologiste du phytoplancton, ENS/CNRS (France)
Directeur adjoint de Tara Polaris I

Pourquoi est-il si important de mieux connaître l’Arctique ?

L’Océan Arctique Central est un environnement isolé et extrême que nous connaissons mal, et la plupart des observations par satellite ne vont pas au-delà de 80° Nord. On ignore comment les organismes vivant au cœur de cet environnement font face à l’extrême saisonnalité de la lumière, de la température, de la glace de mer et de la dynamique océanique, et comment ils survivent pendant la longue nuit polaire, qui dure presque la moitié de l’année. Au cours des dernières décennies, cet écosystème unique a été de plus en plus menacé par le réchauffement climatique, et la pollution produite par les êtres humains. La rapidité des changements et le fait que ce qui se passe en Arctique a un impact sur l’ensemble de la planète font de l’Arctique notre sentinelle. Mais nous avons absolument besoin d’observations pour mieux comprendre ces phénomènes, compléter le cycle annuel dans sa totalité et suivre la variabilité d’une année sur l’autre. Tara Polar Station sera le témoin de l’histoire de l’Arctique au cours des prochaines décennies. Marcel Babin

Quels sont les objectifs de cette première expédition Tara Polaris I ?

Cette expédition sera cruciale pour mieux comprendre l’impact du changement climatique en Arctique et le changement qu’il pourrait avoir sur le reste de la planète. Plusieurs objectifs majeurs :

  • Améliorer la connaissance de la biodiversité sur Terre en explorant des régions qui ne sont pas accessibles aujourd’hui.
  • Révéler les adaptations uniques qui ont évolué pour permettre la vie dans cet environnement extrême.
  • Analyser les conséquences de la fonte de la glace de mer et de la pollution sur ces écosystèmes uniques et fragiles.
  • Découvrir de nouvelles molécules/espèces/processus potentiellement porteurs de nouvelles applications.

Sur le long terme, ces explorations vont permettre d’affiner les prévisions des modèles météorologiques en Europe d’ici 2050, et les conséquences du changement climatique sur le fonctionnement de notre planète. Les résultats permettront d’améliorer les politiques de gouvernance de l’Arctique et de l’Océan mondial. Chris Bowler

Comment allez-vous mener vos recherches scientifiques ?

Avec Tara Polar Station, nous allons établir un observatoire et laboratoire pour étudier les écosystèmes de l’Océan Central Arctique. Cette base dérivante sera déployée dans la glace pendant au moins deux décennies à partir de 2026, avec 10 expéditions consécutives, jusqu’en 2045. Nous commencerons avec Tara Polaris I et continuerons avec II, III, IV, pendant l’année polaire internationale. Le navire scientifique pourra accueillir jusqu’à 18 personnes à bord en été, et 12 en hiver. Il contiendra 5 laboratoires : un laboratoire humide pour manipuler des échantillons - y compris des carottes de glace - ; des laboratoires secs avec instrumentation ; des laboratoires dédiés à l’expérimentation sur place sur ces organismes méconnus et leurs écosystèmes. Pour comprendre la biologie de cet écosystème unique dans son contexte arctique, un ensemble complet d’instruments sera déployé pour étudier les interactions physico-chimiques entre l’atmosphère, la couche superficielle de la glace de mer, et l’Océan sous-jacent. Une série de microscopes, de cytomètres et d’autres instruments pour la biologie cellulaire avancée permettront l’expérimentation avec des organismes vivants et l’observation des phénomènes intracellulaires. Des outils de séquençage de l’ADN, testés sur la goélette Tara, seront également déployés sur place. Lee Karp Boss

© 3D Kadeg Boucher, Architectes Olivier Petit / Bureau Mauric · Fondation Tara Océan

© Grant Redvers · Fondation Tara Océan

3 questions à Kathy Law

Chimiste de l’atmosphère,
Laboratoire Atmosphères,
Observations Spatiales
(LATMOS, France)

Quelles sont les manifestations du réchauffement climatique en Arctique sur l’atmosphère

Il y a une augmentation rapide des facteurs physiques dans l’atmosphère arctique. L’augmentation de la température annuelle moyenne à la surface de l’Arctique - terre et Océan - entre 1971 et 2019 a été trois fois supérieure à l’augmentation de la moyenne mondiale au cours de la même période, un phénomène connu sous le nom d’amplification arctique : due au fait que les zones de l’Océan ouvert exposées par la fonte de la glace de mer absorbent davantage de rayonnement solaire. On constate aussi une augmentation des événements extrêmes tels que les fortes pluies ou chutes de neige, les températures élevées et les feux de forêt.

Observe-t-on de nouvelles pollutions atmosphériques en Arctique et quelles en sont les origines présumées ?

L’Arctique est influencé par la pollution - particules et gaz - transportée depuis les latitudes moyennes depuis la révolution industrielle. Mais, plus récemment, on a constaté qu’il y a des sources de pollution atmosphérique dans - ou proche - de la région arctique qui sont aussi importantes, comme les émissions de polluants liées à l’extraction de gaz ou pétrole en Russie ou en Alaska. Avec la diminution de la glace de mer en été, on s’attend à une augmentation du trafic maritime, une autre source de pollution. Le nombre de bateaux de croisière était déjà en augmentation avant la pandémie de Covid-19.

Quelles sont les connaissances, dans votre domaine, les plus décisives que vous espérez consolider avec Tara Polar Station et ses observations à long terme ?

Nous devons comprendre le rôle de l’atmosphère dans le changement climatique de l’Arctique, et comment elle évolue. En particulier, nous devons améliorer notre compréhension de l’équilibre radiatif, y compris les flux de rayonnement à ondes courtes et à ondes longues. Le rôle des nuages et des aérosols - qui sont importants pour la formation des nuages et le bilan radiatif - est l’une des principales incertitudes des modèles climatiques globaux. Dans ce contexte, des mesures pluriannuelles sur Tara Polar Station des nuages, des aérosols, et des flux radiatifs tout au long de l’année, fourniront des données indispensables, en particulier au-delà du 80° Nord, où il n’y a pas d’observations par satellite.

 

© Louison Wary

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Tara Polar Station La Fondation Tara Océan retourne en Arctique

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Avec la base scientifique polaire dérivante Tara Polar Station, dont le chantier a été lancé en fin d’année 2022, c’est une exploration scientifique de plus de 20 ans qui démarre au cœur de l’océan Arctique, piégé dans la banquise. Climatologues, biologistes, physiciens, écologues, glaciologues, océanographes, artistes, médecins, journalistes, marins, vont embarquer dans une nouvelle aventure hors norme, jamais réalisée : étudier l’Arctique et ses évolutions sur le long terme jusqu’en 2045.

 
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La Fondation Tara Océan est la première fondation reconnue d’utilité publique consacrée à l’Océan en France. Depuis plus de 20 ans, elle aspire à une révolution pour préserver le Vivant, convaincue que l’Océan est essentiel à l’équilibre de notre planète. Explorer l’Océan et partager les découvertes scientifiques pour susciter une prise de conscience collective est au cœur de la mission de la Fondation. Elle mène des expéditions scientifiques, en partenariat avec le CNRS et des laboratoires de recherche internationaux d’excellence, pour étudier la biodiversité marine et comprendre les impacts du changement climatique et des pollutions. Elle sensibilise les citoyens ; des jeunes générations aux décideurs politiques. Grâce à son statut d’Observateur Spécial à l’ONU, la fondation participe activement à la gouvernance internationale de l’Océan.
fondationtaraocean.org