ÉTAT DE SANTÉ DE LA BIODIVERSITÉ EN ÎLE-DE-FRANCE
Apport du programme de sciences participatives
Vigie-Nature

Présentation
Milieux agricoles : une biodiversité pauvre et en déclin
Milieux urbains : une situation mitigée
Milieux forestiers
:
en relative bonne santé

 


Près de 200 citoyens franciliens impliqués dans le programme Vigie-Nature ont permis d’analyser l’état de la biodiversité et son évolution sur toute la région. Plantes, oiseaux et papillons ont été passés au crible depuis plus de 10 ans par ces naturalistes. Le constat est une diminution importante des espèces et de leurs effectifs en Île-de-France, en particulier là où l’Homme est le plus présent, dans les milieux cultivés et urbains. L’érosion de la biodiversité n’est pas une fatalité, des solutions existent visant à améliorer la qualité des habitats pour la faune
et la flore et à restaurer les continuités écologiques nécessaires à leur maintien. L’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France
a vocation à recenser les bonnes pratiques pour qu’elles soient partagées par tous.

Présentation

Les observatoires de sciences participatives Vigie-Nature du Muséum national d’Histoire naturelle font appel à des réseaux d’observateurs volontaires variés. Naturalistes, grand public, professionnels de l’environnement et scolaires peuvent ainsi suivre sur le long terme la biodiversité commune à l’échelle nationale en réalisant des protocoles scientifiques rigoureux. Ces observatoires ont aussi pour but de sensibiliser les participants à la nature ordinaire, de produire des indicateurs pour mieux connaître la biodiversité et comprendre son fonctionnement et d’évaluer les effets des changements globaux sur la biodiversité. L’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France - ARB ÎdF -, anciennement Natureparif, est un relai régional des observatoires de sciences participatives Vigie-Nature.

Les observatoires naturalistes

Afin de produire un état de santé global de la biodiversité francilienne et de son évolution sur le long terme, nous nous sommes basés sur 3 observatoires naturalistes de Vigie-Nature et sur une analyse prenant en compte les principaux milieux écologiques de la région francilienne.

Nos analyses ont porté sur :

Des indicateurs régionalisés

L’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France a pour missions de rassembler les connaissances sur la biodiversité francilienne et de produire régulièrement des synthèses de ces observations sous forme de diagnostics ou d’état de santé : consultez ces publications sur arb-idf.fr.

Par ailleurs, l’ARB ÎdF traduit ces résultats sous forme de pratiques favorables à la biodiversité, indispensables pour préserver le patrimoine naturel. C’est ainsi que cette Agence, plateforme d’échanges et de connaissances entre les différents acteurs de l’environnement en Île-de-France, contribue à la préservation de la biodiversité francilienne.

Protocole STOC-Capture © O. Ricci

 


La flore : Observatoire Vigie-flore depuis 2009


Les oiseaux : Suivi Temporel des Oiseaux Communs
- STOC depuis 2002

Les papillons de jour : Suivi Temporel des Rhopalocères de France
- STERF depuis 2005


 
   

Répétées à l’identique par chacun des participants, les observations effectuées pour chaque protocole sont comparables entre milieux, secteurs géographiques et entre années. Cette standardisation et cette répétition des observations permet ainsi de produire des tendances sur le long terme et de comparer les résultats obtenus pour les différents milieux.


Quantité de données disponibles

 
  • Des observateurs franciliens mobilisés

    Au total, 186 observateurs passionnés se mobilisent en Île-de-France (Fig. 1). Bien sûr, ce nombre varie entre oiseaux, plantes et papillons. Sur la période 2002-2014, le suivi des oiseaux a mobilisé plus de 100 observateurs sur le territoire francilien. Les autres suivis, plus récents, ont mobilisé 31 observateurs pour les papillons et 40 observateurs pour la flore. En moyenne, 14% des participants à ces observatoires nationaux sont franciliens.



  • Nombre d’espèces observées

    Ces observatoires de sciences participatives ont permis d’acquérir des connaissances sur 791 plantes soit 50% de la flore régionale
    (1), 84 papillons de jour soit 62% de la diversité totale des papillons franciliens (2) et 149 oiseaux nicheurs soit 84% de la diversité régionale (3).

    Les espèces les plus communément rencontrées sont :

    • Le Ray-grass (Lolium perenne) que l’on retrouve dans la plupart des gazons urbains. Cette plante cumule 3% du total des observations Vigie-flore.

    • La Piéride de la Rave (Pieris rapae) cumule, quant à elle, 13% des observations franciliennes du STERF. Ce papillon tolère assez bien le milieu urbain, on l’y observe dans les jardins et les friches. Sa chenille se développe sur des plantes de la famille des Brassicacées comme le Colza, cultivé abondamment dans la région, mais aussi sur les choux, les moutardes…

    • Le Pigeon ramier (Columba palumbus) cumule 9% des observations du STOC en Île-de-France. Cet oiseau se nourrit surtout dans les zones agricoles, parfois dans les parcs et les jardins. Il est de plus en plus fréquent dans les zones urbaines.

    (1) Référence utilisée pour la flore régionale : P.Jauzein et O.Nawrot (2013).
    Flore d’Île-de-France. Éditions Quae.
    (2) Référence utilisée pour les papillons : OPIE (2016) Observatoire francilien des insectes.
    (3) Référence utilisée pour les oiseaux nicheurs d’Île-de-France : Natureparif (2012). Liste rouge régionale des oiseaux nicheurs d’Île-de-France.

Botaniste © M. Murate

  • Répartition des sites suivis en Île-de-France

    Au total, plus de 100 secteurs géographiques ont été suivis pour les
    oiseaux et la flore ainsi que 88 pour les papillons. Les sites suivis sont
    répartis sur tout le territoire avec un effort d’observation plus élevé en cœur d’agglomération (voir Fig. 2). Dans chacun de ces secteurs, les observateurs ont multiplié leurs relevés d’observations, qu’il s’agisse de carrés d’observations pour la flore, de transects pour les papillons ou de points d’écoute pour les oiseaux.


Fig. 1. Évolution du nombre d’observateurs franciliens participant aux observatoires
Vigie-Nature au cours du temps.
Fig. 2. Répartition des zones échantillonnées pour les 3 observatoires en Île-de-France.

Tendances régionales

Notre état de santé se base sur le calcul de deux indicateurs de biodiversité :
  • la richesse en espèces,
  • l’abondance en individus,
qui représentent respectivement le nombre d’espèces différentes et le nombre total d’individus observés au cours d’un relevé.
Ces deux mesures sont les plus couramment utilisées pour évaluer la biodiversité et son évolution en France.
À l’échelle régionale, l’abondance des oiseaux a diminué de 21% depuis 2002 et la richesse en papillons de 8% depuis 2005, alors que la diversité en plantes est restée stable depuis 2009.
L’analyse détaillée qui suit permet d’affiner le diagnostic par grands milieux :
  • Milieux agricoles
  • Milieux urbains
  • Milieux forestiers

L’Île-de-France a perdu 1/5ème de ses oiseaux en 13 ans !

Milieux agricoles : une biodiversité pauvre et en déclin


Paysage agricole (77) © M. Zucca


Cultures avec ou dépourvues des bordures végétales © M. Zucca


Bruant proyer © Alenya


Fig. 5. Évolution de l’abondance des populations
de Bruant proyer entre 2004 et 2014
en Île-de-France.

Alors que les milieux agricoles couvrent près de 50% de la surface régionale (Fig. 3), la richesse en espèces y est faible pour les papillons et les plantes et en nette diminution. Respectivement, 6 et 5 espèces ont été observées par relevés en moyenne. Elle a diminué de 20% pour les plantes et de 18% pour les papillons (Fig. 4).

Fig. 3. Répartition des espaces agricoles sur la région Île-de-France source : IAU 2012

 

Fig. 4. Évolution du nombre d’espèces de plantes et de papillons observés par relevé en moyenne dans les milieux agricoles franciliens.

Concernant les papillons, il est intéressant de noter que la richesse en nombre d’espèces connaît un déclin de 45% dans les grandes cultures dépourvues de bordures végétales contre seulement 15% dans celles avec bordures. Les résultats issus de ces observatoires permettent donc de mettre en évidence le rôle essentiel de ces éléments du paysage pour limiter le déclin de la biodiversité agricole.

La tendance est aussi marquée pour l’abondance des oiseaux en milieu agricole et notamment celles des oiseaux spécialistes de ces milieux qui ont vu leurs effectifs chuter de 30% en 11 ans, -17% au niveau national.

Causes probables

Ces résultats inquiétants sont la conséquence de pratiques agricoles intensives et de paysages agricoles simplifiés, en lien avec la modernisation de l’agriculture.

Deux études récentes, menées dans 3 départements céréaliers français ont montré que la simplification des paysages dans les grandes plaines céréalières pouvait réduire de moitié la richesse en oiseaux par rapport à des paysages bocagers. Cette simplification se caractérise par la perte de haies, de bandes enherbées, d’arbres isolés, de fossés, talus, autant de niches écologiques favorables au maintien d’une diversité d’espèces.

L’intensification des pratiques par drainage, la fertilisation azotée, la sélection variétale, l’extension des surfaces irriguées, le recours aux pesticides a aussi fortement modifié la qualité des habitats agricoles pour les espèces. Par exemple, l’usage de pesticides diminue de plus de 10% en moyenne la richesse en oiseaux par rapport à des parcelles sans traitement. Le passage aux cultures d’hiver limiterait aussi fortement l’accès aux graines pour les oiseaux granivores, expliquant le très fort déclin de certaines espèces granivores en Île-de-France, comme le Bruant proyer qui a vu ses effectifs diminuer de 43% depuis 2004 (Fig. 5).

Enfin, notons que les espèces des milieux agricoles sont aussi menacées par l’étalement urbain, un phénomène qui limite leur territoire. La biodiversité est parfois capable de s’adapter à ces changements, certaines espèces dites ubiquistes ou généralistes, c’est-à-dire présentes dans toutes sortes d’habitats, sont de plus en plus abondantes dans les milieux agricoles.

Quelles solutions ?

Le déclin des oiseaux, des plantes ou des papillons a des conséquences néfastes sur l’agriculture, qui dépend fortement de cette biodiversité. Il est urgent de limiter voire inverser cette tendance.

  • Évolution des pratiques
    Pour cela, les objectifs du Grenelle de l’environnement, notamment le plan Écophyto qui vise à réduire de 50% les doses de pesticide utilisées par les agriculteurs d’ici 2025, doivent être atteints. Par ailleurs, de nombreux acteurs s’engagent aujourd’hui vers l’agro-écologie : un courant qui englobe des pratiques variées s’appuyant sur la biodiversité. Agriculture biologique, agriculture de conservation, agroforesterie, permaculture, autant d’alternatives inspirées de la nature et des savoirs-faire locaux.

  • Évolution du système de production
    Pour autant, ces mesures auront un effet bénéfique si tout le système de production est repensé - diversification des types de cultures, mélanges variétaux, mélanges d’espèces, rotations plus longues, retour de l’élevage, fractionnement des parcelles… -, en plus de l’arrêt de l’usage en pesticides.

  • La biodiversité comme alliée
    Enfin, la restauration d’habitats semi-naturels favorables à l’installation, la reproduction et l’alimentation des auxiliaires de culture est également une alternative aux pesticides basée sur le biocontrôle et un fonctionnement robuste des écosystèmes agricoles. Ainsi, l’aménagement de haies, de bandes enherbées, la plantation d’arbres et l’installation de perchoirs et de nichoirs sont autant d’éléments qu’il est urgent de voir revenir dans le paysage agricole pour que les agroécosystèmes redeviennent résilients. À plus large échelle, la restauration d’habitats refuges peut participer à la reconstitution des continuités écologiques dans les paysages agricoles et ainsi améliorer les déplacements des auxiliaires, c’est un des enjeux du Schéma régional de cohérence écologique.

Paysage agricole (78) © M. Zucca

En bref :

  • Les milieux agricoles hébergent une biodiversité en plantes, en oiseaux et en papillons qui s’appauvrit fortement sur les 13 dernières années.
  • En outre, ces milieux se banalisent du point de vue de leurs espèces avec un remplacement des spécialistes agricoles par des espèces généralistes,
    c’est-à-dire aussi présentes en ville et en milieu forestier.
  • Le défi majeur est de (re)diversifer les milieux agricoles, actuellement beaucoup trop simplifiés, par des aménagements écologiques offrant
    une diversité de ressources et de refuges pour le vivant, à l’échelle des parcelles et des exploitations.
  • Le retour des espèces agricoles doit être vu comme une condition nécessaire à l’évolution de l’agriculture vers des pratiques plus agroécologiques, c’est-à-dire, tirant partie de fonctions écologiques
    assurées par ces espèces et essentielles à l’agriculture.


Milieux urbains : une situation mitigée

Les milieux urbains couvrent 21% du territoire (Fig. 6). Les observatoires de sciences participatives distinguent la biodiversité observée dans les parcs et jardins - les espaces verts privés et publics - et dans les interstices urbains : les bords de routes, de voies ferrées et les zones bâties.

Les parcs et jardins

Tendances régionales

Les espaces verts urbains abritent une diversité en plantes deux fois supérieure à la moyenne régionale avec 14 espèces en moyenne par relevé, mais également faible en papillons avec seulement 4 espèces observées en moyenne par relevé. La diversité en oiseaux est, quant à elle, équivalente à la richesse moyenne d’un relevé francilien, soit 13 espèces par relevé.
L’évolution au cours du temps de cette diversité est stable pour les plantes mais en déclin pour les oiseaux et les papillons. L’abondance en papillons et en oiseaux a chuté de plus de 20% sur la période étudiée (Fig. 7).

Ce résultat est concordant avec des travaux réalisés par les chercheurs du laboratoire CESCO du Muséum national d’Histoire naturelle visant à évaluer le rôle de la composition du paysage sur la richesse et l’abondance des communautés de pollinisateurs. Ils ont montré que la richesse en insectes pollinisateurs - coléoptères, diptères, hyménoptères et lépidoptères - diminue graduellement lorsque l’on pénètre dans le cœur des villes, mais pas de la même manière selon les groupes. Les papillons sont ceux qui souffrent le plus. L’urbanisation croissante agit ainsi comme un filtre important en sélectionnant quelques espèces capables de s’y adapter. Il s’agit le plus souvent d’espèces dites généralistes, c’est-à-dire qui se nourrissent sur plusieurs espèces de plantes. Comme pour les oiseaux, ces espèces remplacent les espèces de papillons spécialistes d’une unique ressource.

La gestion des espaces verts doit poursuivre son évolution pour accueillir plus de biodiversité via la mise en place de la gestion différenciée ou le passage au zéro pesticide, grandes mutations en faveur de la nature ! Le respect de la loi Labbé impose un arrêt total des pesticides d’ici 2017 pour les voiries, les espaces verts, les forêts et promenades accessibles ou ouverts au public et 2019 pour les jardins privés.


Fig. 7. Évolution de l’abondance des papillons et des oiseaux observés
par relevés en moyenne dans les parcs et jardins franciliens

Les interstices urbains

Tendances régionales

Assez logiquement, la richesse observée dans les interstices urbains est faible pour les trois groupes - 5 espèces par relevé pour les papillons et les plantes et 11 espèces par relevé pour les oiseaux - mais est en très forte augmentation pour les plantes. Le nombre de plantes dans les interstices urbains a augmenté de plus de 90% en l’espace de 7 ans seulement (Fig. 8). L’évolution de la richesse en oiseaux et en papillons est stable.


Fig. 8. Évolution du nombre
d’espèces de plantes observées
par relevé en moyenne dans les
interstices urbains.

Causes probables

Cette augmentation de la diversité floristique dans les rues pourrait être liée à la végétalisation progressive de ces interstices, pieds d’arbres, murs, toits, et surtout à l’arrêt de l’utilisation des pesticides dans de nombreuses collectivités d’Île-de-France comme le montre cette cartographie réalisée par l'ARB ÎdF (Fig. 9).

L’orientation semble bonne, mais à renforcer pour que ces espaces urbains hébergent une flore comparable à celle des parcs et jardins.

Ces résultats plutôt réjouissants sont néanmoins à nuancer par la relative banalité des espèces que l’on rencontre dans ces espaces. Comme nous avons pu le montrer pour les milieux agricoles, les espèces spécialistes sont progressivement remplacées par des espèces généralistes. En effet, les oiseaux spécialistes urbains connaissent le même déclin que dans le milieu agricole avec une chute de leurs effectifs de 30% en 11 ans (-16% au niveau national).

Ce constat peut s’illustrer par les tendances des populations de deux espèces bien connues des citadins que sont l’Hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) et le Moineau domestique (Passer domesticus) dont les effectifs diminuent respectivement de 64% et 28% sur la même période (Fig. 10 et 11).

Quelles solutions ?

  • Intégrer la biodiversité dans les politiques de la ville
    Face à la pression urbaine, un des défis est de faire de la nature en ville une partie intégrante des politiques de la ville sur le long terme et ce, à toutes les échelles du territoire, du bâtiment jusqu’à l’agglomération. Les objectifs pour poursuivre l’accueil et le maintien d’une biodiversité riche et fonctionnelle en ville se déclinent d’abord à l’échelle des politiques urbaines, notamment par la prise en compte des trames vertes et bleues - et brune - dans les documents d’urbanisme SCoT et PLU1, puis à l’échelle de l’aménagement par le renforcement des études d’impact et des évaluations environnementales, tout comme la réalisation systématique de diagnostics écologiques avant tout projet urbain.
  • Végétaliser le bâti
    Sur le bâti, la végétalisation des murs et des toitures est également de plus en plus fréquente, et ajoute des surfaces supplémentaires dédiées à la nature en ville. Le respect des caractéristiques locales - choix des espèces, du substrat, diversification des strates - permet de recréer de véritables écosystèmes fonctionnels sur les bâtiments.
  • Préserver les sols
    La préservation des sols est aussi devenue un enjeu important en milieu urbain. De nombreux projets de restauration de sols urbains voient le jour en Île-de-France, pour améliorer leur fertilité et retrouver des fonctions utiles. Certaines villes misent aujourd’hui sur la déminéralisation de certains de leurs espaces.
  • La nature dans le cycle de l’eau
    On peut également utiliser la nature pour gérer les eaux urbaines. Ces aménagements, qu’ils soient des noues, mares et bassins de phyto-épuration assurent de nombreuses fonctions écologiques, notamment l’épuration de l’eau grâce à l’action combinée des bactéries et de certaines plantes.
    Elles font aussi office de zones tampons pour capturer l’excédent d’eau lors d’épisodes de fortes pluies et facilitent son infiltration vers les nappes phréatiques. Enfin, elles servent de refuge à un grand nombre d’espèces : amphibiens, reptiles, insectes, oiseaux et petits mammifères. À moindre coût, ces systèmes réduisent les besoins en canalisations et infrastructures de traitement.
    À cela s’ajoute des projets de renaturation de berges et de zones d’expansion des crues pour ce qui concerne le grand cycle de l’eau.

Vue sur Paris © A. Muratet
Aurore, Val d’Ancoeur (77) © M. Zucca

Fig. 6. Répartition des espaces urbains sur la région Île-de-France
source : IAU 2012



Fig. 9. Niveau d’usage des pesticides des communes et
départements francilien source Natureparif 2016

Fig. 10. Évolution de l’abondance
des populations d’Hirondelle de fenêtre
entre 2004 et 2014 en Île-de-France.

Fig. 11. Évolution de l’abondance
des populations de Moineau domestique
entre 2004 et 2014 en Île-de-France.


Hirondelle de fenêtre © E. Archer.......................... Moineau domestique © J. Birard


En bref :

  • L’état de santé de la biodiversité en ville montre des inégalités suivant les groupes d’espèces. En effet, alors que les plantes montrent des signes de maintien voire d’augmentation de leurs effectifs dans certains habitats, les papillons et les oiseaux continuent de diminuer.
  • Parmi ces espèces, les spécialistes urbains sont une nouvelle fois les plus touchés à l’image des milieux agricoles.
  • La réponse positive et rapide de la diversité en plantes dans les interstices urbains à certaines pratiques de gestion plus écologiques montrent cependant que cette érosion de la biodiversité n’est pas une fatalité et peut être inversée.
  • Il est fort probable que la (re)végétalisation des villes bénéficiera également dans un avenir proche aux papillons et aux oiseaux si les conditions pour leur retour en ville sont respectées, notamment à travers la restauration des continuités écologiques.
  • Les politiques urbaines et les actions citoyennes sont les deux leviers actuels et complémentaires pour atteindre cet objectif.

.................Capillaire des murailles © A. Muratet

Enfin, toutes les actions favorables au retour de la nature en ville doivent être connues, communiquées et étendues à d’autres collectivités.
Le concours Capitale française de la biodiversité et le label ÉcoJardin sont des outils proposés par Natureparif pour valoriser les bonnes pratiques
mises en place par les collectivités les plus exemplaires.

Milieux forestiers : en relative bonne santé


Forêt de Fontainebleau © A. Muratet

Fig. 11. Répartition des milieux boisés
sur la région Île-de-France source : IAU 2012

Argus bleu-nacré © O. Ricci


Fig. 12. Évolution du nombre d’espèces de plantes et de papillons observés par relevé en
moyenne dans les milieux forestiers franciliens.

Naturaliste © A. Muratet

Forêt en bords de Seine,
Saint-Mammès (77) © M. Zucca

Tendances régionales

Le milieu forestier couvre 23% du territoire (Fig. 11) et les forêts de production sont composées de feuillus à 94 %. Les analyses ont donc porté sur ce type de boisement dit caducifolié. Ces forêts abritent une biodiversité importante et moins touchée que les milieux précédents. Les richesses en espèces de plantes et d’oiseaux sont supérieures aux moyennes régionales avec respectivement 10 et 14 espèces observées en moyenne par relevé. La richesse en papillons est légèrement inférieure à la moyenne régionale avec 7 espèces observées. La tendance est stable pour la richesse observée en papillons et semble en augmentation pour l’abondance des plantes (+12%). Seuls les oiseaux sont en déclin dans les milieux forestiers franciliens, avec une baisse de leurs effectifs de 17% en 11 ans (Fig. 12).

Par contre, les oiseaux spécialistes forestiers présentent un déclin moindre que le reste des oiseaux puisqu’ils régressent seulement de 8%, signe probable d’une amélioration de la qualité écologique de ces milieux.

Causes probables

Le relatif bon état de la forêt francilienne est le résultat d’une protection juridique forte de ces espaces, notamment via les Espaces Boisés Classés. La stratégie d’urbanisation des collectivités a ainsi épargné les milieux forestiers.
D’autre part, la préservation de la biodiversité forestière est un des objectifs affichés de la région Île-de-France. Pour exemple récent, 73 % de la forêt francilienne est classée dans un réservoir de biodiversité, au titre du Schéma régional de cohérence écologique. Ces actions de préservation semblent avoir profité à la conservation d’une partie de la biodiversité forestière mais la fragmentation par les infrastructures linéaires reste une problématique majeure au maintien d’une biodiversité fonctionnelle, tout comme la fréquentation importante de ces espaces considérés comme particulièrement récréatifs en Île-de-France. Enfin, à une plus large échelle, le changement climatique aura certainement des effets néfastes plus importants sur des écosystèmes aux cycles longs comme les forêts par rapport aux autres milieux étudiés.

Quelles solutions ?

  • L’acquisition foncière
    La préservation d’une biodiversité riche et fonctionnelle passe par une politique active d’acquisition foncière pour sécuriser l’usage du sol forestier et en garantir une bonne gestion, comme le fait par exemple la région via l’Agence des espaces verts (AEV) sur les périmètres régionaux d’intervention foncière.
  • Privilégier la futaie irrégulière
    L’AEV a pris la décision de faire évoluer la gestion forestière sur les parcelles acquises de la futaie régulière vers de la futaie irrégulière. Ce dernier mode de gestion, inscrit dans la charte signée entre l’AEV et l’ONF, présente de nombreux avantages pour la biodiversité. Il permet d’avoir une régénération des peuplements de manière diffuse et naturelle. Le travail arbre par arbre permet de favoriser le maintien d’une diversité d’essences, d’une diversité de diamètres de bois, d’avoir un couvert forestier constant et de maintenir des individus présentant un important potentiel pour la biodiversité.
  • Limiter les tassements
    Le tassement des sols, qui est une autre problématique de la production sylvicole, peut être limité en mettant en place un cloisonnement d’exploitation systématique qui consiste à réaliser un réseau de débardage et limiter le tassement de toutes les parcelles. Ces actions mises en place par l’AEV sur ses parcelles seraient à étendre aux autres espaces forestiers.
  • Préserver des espaces hors exploitation
    Outre cette évolution de la gestion sylvicole, la mise en place de zones hors sylviculture et de réseaux d’îlots de vieux bois et de sénescence sont des recommandations importantes pour favoriser le déplacement des espèces typiques des vieux boisements tout comme le maintien de réseaux de mares forestières, des landes, des ornières autant de milieux liés aux massifs boisés et à valeur écologique forte mais qui n’ont pas d’intérêt dans la gestion sylvicole.
  • Des aménagements en faveur des continuités écologiques
    Concernant les effets de la fragmentation, il existe aussi des solutions, notamment la construction de passages à faune. Cela demande au préalable de recenser les zones de passages et/ou d’écrasement afin que ces aménagements soient fonctionnels. Natureparif a mis en place un site internet permettant de recenser ses zones de passages et les dispositifs mis en place pour les amphibiens.
  • Une ouverture encadrée des zones de réserves au public
    Enfin, l’accueil du public évolue, les gestionnaires laissent libres les visiteurs dans des zones périphériques en préservant les coeurs de forêts. Une ouverture encadrée dans les zones de réserves pourrait se faire en complément en orientant le thème des visites sur la biodiversité.

En bref :

  • La biodiversité en oiseaux, plantes et papillons des milieux forestiers semble épargnée en comparaison aux milieux urbains et agricoles.
    D’une part, la biodiversité présente dans ce milieu est relativement élevée. D’autre part, la forêt conserve ses espèces spécialistes, c’est-à-dire les espèces les plus vulnérables aux menaces actuelles qui pèsent sur ce milieu en Île-de-France : fragmentation, fréquentation, exploitation, changement climatique.
  • La préservation de ces espèces est la conséquence de la politique foncière visant à conserver de grands massifs forestiers dans la région et une évolution de la gestion sylvicole intégrant des objectifs écologiques. C’est donc un acquis important à maintenir dans l’avenir.
  • Depuis 2013, la mise en place d’une trame forestière sur tout le territoire francilien devra renforcer cet acquis pour répondre à de nouveaux enjeux de conservation notamment en lien avec les effets du changement climatique et de la fragmentation croissante des espaces boisés.


Conclusion

Ces travaux ont mis en évidence l’existence d’une biodiversité importante en Île-de-France mais font également le constat d’un déclin particulièrement marqué de cette biodiversité sur la période récente. Toutes les espèces ne sont cependant pas affectées de la même manière : les oiseaux déclinent d’une façon générale dans tous les milieux étudiés alors que le déclin des papillons et des plantes s’observe surtout dans les milieux cultivés. Les espèces capables d’évoluer dans des milieux variés, dites généralistes, sont les moins affectées par cette diminution en comparaison aux espèces spécialistes d’un milieu dont les populations s’effondrent rapidement. Le premier objectif serait de renforcer l’évaluation en élargissant à d’autres types de milieux moins observés à l’heure actuelle, et confirmer certaines évolutions sur du plus long terme. Cela passe par le recrutement de plus d’observations. D’un point de vue opérationnel, le second objectif est d’évaluer le bénéfice des politiques régionales et locales mises en oeuvre en faveur de la biodiversité à travers le suivi de ces indicateurs dans le temps. À ce titre, il est important de promouvoir le rôle majeur des sciences participatives pour la connaissance et le suivi de la biodiversité. La mobilisation d’un grand nombre d’observateurs sur plusieurs années est indispensable à la fois pour cette évaluation et la sensibilisation des citoyens.


ÉTAT DE SANTÉ DE LA BIODIVERSITÉ EN ÎLE-DE-FRANCE
Apport du programme de sciences participatives
Vigie-Nature

Remerciements :

Un grand merci à l’ensemble des observateurs naturalistes qui ont produits les données nécessaires à la réalisation de cet état de santé. Merci à l’équipe Vigie-Nature, notamment
Benoît Fontaine, Diane Gonzalez, Frédéric Jiguet, Grégoire Loïs, Romain Lorrillière, Nathalie Machon, Gabrielle Martin et Emmanuelle Porcher pour avoir donné un accès à ces données
et accompagné Natureparif dans la réalisation de leurs analyses. Nous tenions également à remercier les associations naturalistes qui font vivre la communauté des observateurs sur
la région et tout particulièrement le Centre Ornithologique Île-de-France (CORIF), relais régional du STOC, l’association des lépidoptéristes de France (ALF), animateur national
du STERF, et Tela Botanica, animateur national de l’observatoire Vigie-Flore.

 

Pour compléter :

LA BIODIVERSITÉ
EN ÎLE-DE-FRANCE

Chiffres clés
(2018)





Directeur de publication : Bruno Millienne, président de Natureparif
Coordination : Julie Collombat-Dubois
Coordination éditoriale : Ophélie Ricci
Auteure de l’étude : Audrey Muratet
Relecture : Marc Barra, François Chiron, Lucile Dewulf, Jonathan Flandin, Grégoire Loïs, Ophélie Ricci, Maxime Zucca
Graphisme : Ophélie Ricci

Date de publication : Mardi 10 mai 2016

arb-idf.fr