Les villes Respire de demain
Agir sur la mobilité et les transports face à l'urgence sanitaire et climatique

(1) 1000 & 1 raisons d'agir


Donner aux collectivités locales le déclic pour réguler le trafic routier et agir sur la pollution de l’air et la réduction des émissions de gaz
à effet de serre, telle est l’ambition de ce nouveau guide du Réseau Action Climat. Destiné en particulier aux élus locaux, il s’adresse à
la multitude d’acteurs impliqués, ou souhaitant s’investir dans la construction d’une politique de mobilité plus soutenable, dans le projet
de bâtir des
villes qui respirent avec une approche transversale et multimodale. En plus de dresser un constat des problématiques
liées aux impacts des transports sur la santé et les changements climatiques, cette publication présente les nouveaux leviers d’actions
qui existent et sont à disposition des collectivités locales pour mieux réguler l’usage des véhicules motorisés et polluants
qui causent de nombreuses nuisances en ville et privilégier les mobilités alternatives.

MOTIVATION : Pourquoi modérer la place des véhicules motorisés ?

Les transports : moteurs des changements climatiques

À l’échelle nationale, les transports constituent le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 28% des émissions de gaz à effet de serre en 2014, dont 92% sont imputables aux transports routiers et la moitié aux voitures. Les émissions sont liées à la dépendance du mode routier, prédominant dans le transport de marchandises et de personnes, aux énergies fossiles.

Dans le but d’atteindre les objectifs fixés par la loi de transition énergétique adoptée en juillet 2015, la Stratégie nationale bas carbone prévoit une baisse de 70% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports d’ici à 2050 et de 29% d’ici à 2028. Cet objectif s’ajoute à celui de la Loi Grenelle de 2009 de réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre des transports d’ici à 2020, pour les ramener au niveau de 1990. Or, les efforts déployés jusqu’à maintenant se sont révélés insuffisants pour véritablement inverser la tendance. La concrétisation de ces objectifs doit impliquer tous les acteurs.

Au niveau local, la mobilité est également un secteur d’action prioritaire. À l’échelle des métropoles le constat est le même : les transports routiers représentent entre un quart et le tiers des émissions de gaz à effet de serre rejetées sur leurs territoires - 30% à Bordeaux, 20% à Lyon -, les voitures particulières comptant pour 60% des émissions environ.

Dans les petites et moyennes villes, la part du transport routier dans les émissions de gaz à effet de serre est généralement encore plus importante. Lutter contre les changements climatiques à l’échelle locale passe donc nécessairement par une réduction des déplacements motorisés en ville.

Il existe un gisement important de report modal vers la marche à pied, le vélo, et les transports en commun à l’échelle des courtes distances puisqu’en ville plus de la moitié des déplacements motorisés s’étendent sur moins de 3 km. Pour les plus longues distances, l’intermodalité, ou la possibilité de passer d’un mode de transport à un autre, sera déterminante.


Répartition des GES par secteur en France en 2013 (en %)
(Source : Inventaire France, périmètre Kyoto, CITEPA/MEDDE, soumission avril 2014.


Croissance de mobilité et des émissions de gaz à effet de serre de 1990 à aujourd'hui
Sources : Insee - SOeS - Inrets, enquêtes nationales transports et communication 1993-1994, transports et déplacements 2007-2008. Stratégie nationale de mobilité propre 2016. Data France.

La croissance des émissions du secteur des transports est directement liée à la sur-motorisation des ménages et l'accroissement de la mobilité. La part des ménages
possédant deux véhicules est passée de 15 à 30% entre 1980 et 2009. Au total, les distances parcourues ont augmenté de manière prononcée (+6%)
mais différenciée dans les territoires faiblement urbanisés (+12% entre 1993 et 2008) et les grandes agglomérations (-5%).

L’impact des transports sur la pollution de l’air

L
es polluants atmosphériques

La pollution atmosphérique nous concerne tous, en raison de ses causes multiples et de ses impacts sur l’environnement et la santé. Les principaux polluants atmosphériques nocifs sont :

  • Les particules fines PM10 et PM2,5 causées par les combustions liées au chauffage, aux transports et aux activités agricoles.
  • Le dioxyde d’azote (NO2) émis par les combustions liées au chauffage et aux transports ainsi qu'à la production d'électricité...
  • Les composants organiques volatiles (COV), des substances que l’on retrouve dans l’industrie, le secteur résidentiel tertiaire et les transports, par exemple le benzène.
  • L’ozone (O3) causé par la réaction chimique du NO2 et des COV.

De plus, des particules secondaires qu’il est plus difficile de mesurer et dont on méconnait les impacts sur la santé, se créent dans l’air suite à des réactions chimiques des gaz en présence.

 
Le poids des transports
sur les émissions de polluants


Les transports constituent la première cause des émissions d'oxydes d'azote NOx dans les zones denses où vivent 80% de la population et l'une des principales sources de particules fines.

L’exposition à la pollution de l’air n’est pas uniforme sur le territoire. La concentration de polluants et par là,
l'exposition de la population à la pollution atmosphérique, est plus forte dans les zones plus denses
et situées à proximité d’axes routiers où les émissions sont plus fortes.


Évolution des concentrations en SO2, NO2, PM10 et O3 sur la période 2000-2013
Source : Bilan de la qualité de l’air en France en 2013 et principales tendances observées sur la période 2000-2013,
CGDD (Commissariat Général au Développement Durable), octobre 2014.


Les zones visées par les procédures contentieuses européennes
Source : MEEM, www.developpement-durable.gouv.fr

Le poids des différents véhicules routiers

Le transport routier a une forte responsabilité dans les émissions de polluants :

  • Les émissions de NOx des transports routiers proviennent à 89% des véhicules qui roulent au diesel : poids-lourds diesel 41% ; véhicules particuliers diesel catalysés 33%, véhicules utilitaires légers diesel catalysés 15%. Les voitures - à moteur essence comprises - représentent donc presque la moitié des émissions de NOx à l’échelle nationale.
  • Les particules émises par les véhicules diesel proviennent à 57% des voitures, à hauteur de 27% des véhicules utilitaires et à hauteur de 16% des poids lourds. Les moteurs essence émettent également des particules fines et des oxydes d'azote.

La pollution de l’air diminue trop lentement

Sur la période 2000-2014, les niveaux de pollution ont diminué de façon très modeste :

  • Seule la concentration de dioxyde de soufre a diminué significativement.
  • Les niveaux de pollution en dioxyde d’azote (NO2) ont diminué légèrement, mais dans une proportion inférieure aux émissions d’oxydes d’azote (NOx).
  • La concentration des particules dans l’air a diminué très légèrement.
  • Enfin le niveau de concentration de l’ozone (O3) a augmenté.

La pollution de l’air sévit en France

La France ne respecte ni les plafonds de concentration de polluants de l’Organisation Mondiale de la Santé, ni les normes européennes. L'État français s’expose devant la cour de justice européenne à des amendes de 10 à 20 millions d'euros pour non-respect des seuils de pollution en NO2 et PM10.

  • Ozone, PM10 et le NO2 : aucun seuil réglementaire européen n’est respecté en France en 2013.
  • Plus d’un tiers des agglomérations de plus de 100 000 habitants ont eu au moins un site de mesure qui a dépassé la valeur limite annuelle de dioxyde d’azote (NO2) en 2013.
  • En 2011, 12 millions de personnes étaient exposés aux dépassements des valeurs limites de concentrations en PM10 en France

La pollution de l’air : une catastrophe sanitaire

Des pics de pollution à la pollution chronique

Chaque année, on constate des épisodes et des pics de pollution à l’ozone, aux particules fines et au dioxyde d’azote. La population est alors très attentive à la qualité de l’air. De nouvelles mesures ont été mises en place en 2016 pour permettre aux collectivités d’agir plus vite en cas d’épisode de pollution. Ces derniers représentent aussi une opportunité d’agir de manière pérenne et acceptée par la population contre la pollution chronique qui a le plus d’effets néfastes sur la santé. La pollution de l’air est la troisième cause de décès en France. Dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants, l'espérance de vie à 30 ans est réduite de 15 mois du fait des PM2,5. Dans les zones rurales, la perte est estimée à 9 mois d'espérance de vie en moyenne.

Inégaux face à la pollution

Nous ne sommes pas tous égaux devant les risques de la pollution. Elle affecte les plus fragiles d’entre nous :

  • Les personnes vulnérables : les nourrissons et les enfants, les femmes enceintes et les personnes de plus de 65 ans sont plus fragiles face à la pollution. Des nanotubes de carbone issus de la pollution atmosphérique ont été retrouvés dans des poumons d’enfants de 2 mois à 17 ans. La pollution de l’air a un impact sur la grossesse, le poids des bébés et les naissances prématurées. Entre 15 et 30% des nouveaux cas d’asthme chez les enfants sont liés à la proximité du trafic routier.
  • Les personnes sensibles - cardiaques, asthmatiques, bronchitiques, insuffisants respiratoires - sont directement affectées par les polluants de l’air : leurs troubles sont aggravés.
  • Les personnes à revenus modestes, qui résident à proximité des axes routiers, sont davantage exposées à la pollution de l’air. Le risque de mort subite cardiaque est 38% supérieur pour une personne habitant à moins de 50 mètres d’un axe routier. Les nuisances sonores auxquelles ces personnes sont plus exposées augmentent également les risques de stress, de troubles de sommeil, de troubles cardiovasculaires, de baisse des performances cognitives.
  • La double-peine : l'exposition plus forte des personnes modestes à la pollution voit ses effets démultipliés par les inégalités socio-économiques auxquelles ces personnes font déjà face. Ainsi, une personne de classe modeste est trois fois plus exposée au risque de décès lors d’un pic de pollution. Le cumul des facteurs à risques - exposition à la pollution dans le travail ou l’alimentation par exemple -, couplé aux conditions de vie, expliquent ce surcroit d’inégalités. Au-delà des nécessaires études d'impact environnemental, la réalisation d'une Évaluation d'Impact en Santé est recommandée en amont des projets de toute sorte pour anticiper et valoriser leurs impacts sur la santé et les inégalités.

Sources : France Santé Publique 2016. MEEM Bilan - Qualité de l’air en France en 2014.
* Impacts sanitaires de la pollution de l'air en France : nouvelles données et perspectives 2016 Santé Publique France (Fusion de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), l'Institut de veille sanitaire (InVS) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus).
** Étude Assessing the link between air pollution and heart failureanglo-saxonne. http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)60898-3/abstract
***Par Pr V. L. Feigin, de l'Université de technologie d'Auckland The Lancet Neurology. 2015.

Qui paiera la facture ?

La pollution de l’air a un coût astronomique pour la société, chiffré à plus de 100 milliards d’euros par an par une commission d’enquête du Sénat en 2015. La prise en charge des soins et des hospitalisations liés à la pollution de l’air coûte à elle-seule entre 0,9 à 1,8 milliards d’euros par an au système de soin.


La pollution de l'air chronique, cause de maladies

Les particules, l’ozone et les oxydes d’azote ont une responsabilité avérée dans les maladies respiratoires, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. La baisse des niveaux de pollution de l’air constitue l’un des leviers d’action majeurs pour la prévention des maladies respiratoires, cardiovasculaires et des cancers en France.


© Frédéric BISSON

Les interactions entre climat et pollution de l'air

Les émissions de GES et les polluants atmosphériques sont respectivement responsables de deux phénomènes aux conséquences très différentes : le réchauffement de l’atmosphère bouleverse l’équilibre climatique et la pollution de l’air est une catastrophe sanitaire. Néanmoins, ces fléaux sont étroitement liés par leurs causes, et parfois même dans leurs effets :

  • Les secteurs du chauffage, des transports, de l’industrie, compte tenu de leur dépendance actuelle aux énergies fossiles, sont très émetteurs de polluants atmosphériques et de GES. L’agriculture contribue aux deux phénomènes en raison de sa consommation d’engrais azotés notamment.
  • Certains polluants atmosphériques comme l’ozone et les particules de suie, émis par les véhicules diesel ont des effets sur les changements climatiques, en plus d'effets sanitaires directs.
  • En réchauffant l’atmosphère, les effets des changements climatiques se feront également ressentir sur la concentration en ozone dont l’impact sur la santé est considérable.

Agir à la source permet donc d'améliorer la qualité de l'air au niveau local tout en ayant un impact global sur les changements climatiques. Certaines mesures climatiques ont pu se révéler contre-productives sur le plan de la qualité de l’air par le passé (le bonus-malus automobile a contribué à diésélisé le parc automobile en étant modulé en fonction des émissions de CO2 /km seulement par exemple10), une grande vigilance doit être de mise à l’avenir pour adopter une approche intégrée air-climat dans la transition énergétique. Ce doit être le cas au niveau local dans la définition des politiques et mesures qui seront décidées dans le cadre des schémas et PCAET.

*Source: France Santé Publique 2016.
** Résultats du projet Alphekom portant sur Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rouen, Strasbourg et Toulouse.

INSPIRATION : Participez à la tendance européenne !

Libérer la ville de la voiture : Les villes européennes sont en bonne voie !

Un nombre croissant de villes européennes, petites ou grandes, a décidé de tourner la page de l’essor automobile en ville pour diminuer les nuisances liées à la circulation routière dans les aires urbaines et favoriser le report modal. Si elles ont conclu à cette nécessité, la mise en oeuvre concrète s’est faite de manière très différente d’une ville ou d’un pays à l’autre et selon des objectifs variés. Ainsi, la sécurité routière et l'épanouissement des enfants semblent avoir été l'élément déclencheur dans le rééquilibrage du partage de l’espace public aux Pays-Bas alors que les villes allemandes ont été davantage motivées par les nuisances sonores et la pollution de l’air dans la mise en oeuvre des zones à basses émissions. Les villes italiennes, particulièrement soucieuses de protéger leur patrimoine historique des suies, ont créé les zones à trafic limité. Certaines métropoles comme Londres ou Stockholm ont introduit des péages urbains pour diminuer la congestion. La France est le 4e pays européen où l'on se déplace le plus en voiture ou en moto, derrière la République Tchèque, la Slovénie et la Lettonie (Gallup-Eurobaromètre 2011), mais la répartition modale des déplacements varie d’une ville à l’autre et certaines collectivités sont à l'avant-garde. Voici quelques exemples qui annoncent des évolutions positives pour le climat, la santé et la qualité de vie.

Oslo, Norvège
Oslo va interdire tous les véhicules diesel en centre-ville dès 2017 sur l’intégralité de la voirie locale en vue de bannir toutes les voitures thermiques du centre-ville et de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. La ville prévoit aussi une centaine de kilomètres de pistes cyclables supplémentaires, la suppression de nombreuses places de parkings en surface et un péage additionnel au péage urbain existant pour limiter la circulation et la congestion pendant les heures de pointe.
 

En Allemagne
Il y a une soixantaine de zones à basses émissions en Allemagne. En Rhénanie du nord et en Westphalie tous les véhicules diesels antérieurs à 2011 sont interdits dans les zones vertes. Au total, 500 000 véhicules sont concernés par l'interdiction. 28 des villes de plus de 100 000 habitants ne sont pas encore couvertes par une zone à basses émissions en Allemagne.

Hambourg
Hambourg a décidé de bannir la voiture sur différentes artères pour la faire disparaître totalement du centre-ville d’ici à 2034. La ville sera bientôt maillée d’un réseau de voies piétonnes et cyclables reliant tous les parcs de la ville et recouvrant 40% de sa superficie.

Bruxelles, Belgique
Connue pour ses embouteillages, Bruxelles est passée au rang de première ville piétonne grâce à l’extension de son hyper-centre piéton en 2015, sur le principal axe de circulation Nord-Sud. À l’issue de la phase d’expérimentation, la commune a décidé de pérenniser la mesure en revoyant certaines de ses modalités pour mieux tenir compte de flux de circulation et de l'avis des commerçants.

Ljubljana, Slovénie
La ville de Ljubljana a pris le virage de la piétonisation il y a 10 ans en fermant complètement son centre-ville aux voitures, occasionnant une véritable transformation des rues : la part modale de la voiture est passée de 47% en 2003 à 19% en 2013, la marche à pied devenant le premier mode de déplacement dans le centre. Les émissions de particules de suie ont chuté de 70% suite à la requalification de l’avenue principale en centre piéton, tandis que le soutien de la population est quasi unanime (92%).

 

En Italie
Une quarantaine de zones à trafic limité ont été mises en place depuis la fin des
années 1980 pour limiter fortement la circulation routière en réservant l’accès au centre-ville aux résidents, aux services d’urgence et aux transports en commun. Dans les petites, moyennes et grandes villes concernées, la mise en oeuvre de cette mesure est allée de paire avec l’essor du vélo et de la marche à pied.

Grenoble
En 2015, la métropole de Grenoble a lancé en 2015 son opération Métropole Apaisée avec la réduction généralisée des vitesses en ville à 30 km/h dans 43 des 49 communes. L’aménagement d’un réseau express vélo (REV) est prévu pour conforter ses actions pour la qualité de l’air. Une agence de mobilité a été créée en ville pour mettre à disposition des habitants des conseils en mobilité, et a été déclinée de manière virtuelle avec la création d’un système d’information multimodal et en temps réel.
Paris
La capitale a adopté en 2015 un plan anti-pollution visant à restreindre progressivement la circulation des véhicules les plus polluants d’ici à 2020 et un plan vélo ambitieux. Devant le succès de la transformation des voies sur berges de la rive gauche en 2013, la ville poursuit également la piétonisation sur la rive droite où circulent chaque jour des milliers de voitures. La mairie ambitionne également de passer la moitié de la voirie parisienne à 30 km/h d’ici la fin de 2016.

Lisbonne, Portugal
Lisbonne a mis en oeuvre une zone à basses émissions où les véhicules les plus polluants sont interdits. La concentration de PM10 a diminué de 16% en moyenne entre 2011 et 2012, ce qui a permis de passer en deçà des plafonds réglementaires dans cette zone centrale de la capitale ibérique. Le nombre de jours de dépassement de la limite en PM10 est passé de 113 jours en 2011 à 75 jours en 2012 et 32 jours en 2014. Les effets des zones à basses émissions sont immédiats.

Dublin, Irlande
Dublin a décidé de faire la part belle aux transports en commun et aux mobilités actives en interdisant à tous les véhicules de circuler en centre-ville d’ici à 2017. Dans une ville connue pour la difficulté de circuler à pied ou en vélo, en raison notamment d’une forte congestion routière (Tom Tom trafic place Dublin au 10e rang mondial des villes les plus congestionnées), cette nouvelle politique volontariste est bien accueillie.

Madrid, Espagne
Le nouveau plan de mobilité de la capitale espagnole a pour objectif la piétonisation
progressive du centre-ville d’ici à 2020. Marid a décidé d’activer plusieurs leviers en augmentant les tarifs du stationnement et en abaissant les limitations de vitesses. Surtout, les véhicules motorisés (notamment les deux-roues motorisés) des non-résidents ont été interdits de circulation, sauf sur certains horaires, pour atteindre l’objectif d’une baisse d’un tiers du trafic routier dans le centre-ville. Enfin, les voies de bus en site propre gagnent du terrain.

Pontevedra, Espagne
En 1999, le maire de Pontevedra a décidé de fermer le centre-ville aux voitures et de requalifier l’espace public au profit des piétons. Cette politique a porté ses fruits puisqu’aujourd’hui 66% des déplacements sont effectués à pied ou à vélo et le trafic routier a baissé de 90%. Le nombre d'accidents a été divisé par 3 entre 2000 et 2014. La pollution atmosphérique a baissé de 61% et les émissions de CO2 de 66%.

Séville, Espagne
Séville est la démonstration même que le développement rapide et massif du vélo en ville n’est pas réservé qu’aux pays nordiques. En 2010, l’aménagement de 120 km d’infrastructures cyclables réalisé pour un coût de 53 millions d’euros pour la ville, a entrainé un report modal important, composé pour un tiers d'automobilistes mais aussi d'anciens motards (5,4%). Le vélo est utilisé dans 7% des déplacements en 2013, contre 0,5 en 2006.


Taux de motorisation des ménages dans les départements de France
Source : http://map.datafrance.info


Parts modales des déplacements domicile-travail

Pourquoi pas nous ? Le retard et le potentiel français

Quelle place prend la voiture en France ?

Dans le coeur des gens
Même si la population reste globalement attachée à la voiture, le regard et les usages évoluent, notamment chez les jeunes générations dont le taux de détention du permis de conduire a cessé de progresser pour redescendre, en 2012, en deçà du niveau de 1992 / 76% chez les 18-29 ans en 2012.

Les sondages réalisés ces dernières années sont éclairants sur l’attachement des gens à la voiture. Plus des deux-tiers d’entre eux :

  • Veulent diminuer la place de la voiture en ville.
  • Aimeraient combiner plus facilement voiture et les autres modes de transports.
  • Sont prêts à utiliser leur voiture différemment : autopartage, covoiturage.
  • Pensent que la voiture est très nuisible à l’environnement.
  • Cherchent avant tout à faire des économies pour tout ce qui concerne leur véhicule.

Dans l'équipement des ménages
Le taux de motorisation des ménages, certes encore très élevé, a tendance à diminuer, surtout dans les métropoles. À l’échelle nationale, 19% des ménages n’ont pas de voiture, un taux qui s’élève à 67% en Île-de-France et tombe à 13% en Poitou-Charente. Plus la ville est dense, moins la population est équipée de véhicules motorisés mais les villes moyennes ne sont pas toutes dans la même situation. Ainsi à Chambéry, un quart des ménages n’a pas de voiture, tout comme 31% des ménages de Sedan.
Dans les villes moyennes, 42% des ménages possèdent au moins deux véhicules contre 29% dans les grandes agglomérations. Le taux de motorisation est aussi largement lié au revenu, à l’âge du chef de ménage, à la catégorie socioprofessionnelle, aux zones d’habitation et au nombre de personnes composant le ménage. L’âge moyen de l’acheteur d’une voiture neuve augmente d’année en année pour s’élever à 54 ans en 2015.

La voiture individuelle est choisie dans 69% des déplacements domicile-travail (INSEE)

Dans les déplacements, selon les villes
La voiture est utilisée dans 65% des cas de déplacement local pour des raisons de confort, de flexibilité horaire, mais aussi de gain de temps. Or, 50% des trajets faits en automobile en ville sont inférieurs à 3 km, 15% sont inférieurs à 500 m. Sur des distances aussi courtes, les véhicules sont particulièrement polluants, le moteur n’ayant pas le temps de se réchauffer et d'autres modes déplacement sont plus pertinents et plus rapides.

La part de la voiture dans les déplacements est passée en dessous de 50% dans certaines grandes agglomérations comme Strasbourg, Lyon et Grenoble, tandis qu’elle reste prépondérante dans d’autres grandes villes comme Lille (56%), Rennes (54%) Marseille (50%).

Dans les villes moyennes, la place de la voiture est particulièrement ancrée, étant encore utilisée dans 69% des déplacements en moyenne, la marche à pied représentant 23% des déplacements, les transports en commun 5% et le vélo et les deux roues motorisés 2% respectivement.

La part modale de la voiture se situe encore au-dessus de 70% dans plusieurs villes moyennes comme Albi, Quimper, Niort… Mais dans certaines villes comme La Rochelle, elle est en-deçà de 60%.


Part modale de la voiture dans les agglomérations moyennes
Source : CEREMA, enquêtes ménages déplacements dans les villes moyennes, 2014.

Et petit à petit, dans les faits… les villes changent


Évolution de la part modale de la voiture dans les grandes agglomérations
Source : CEREMA, DT ec TV.

D’un côté, l’utilisation de la voiture baisse à un rythme soutenu dans différentes agglomérations et devance même parfois les politiques de mobilité durable.

  • À Paris, le trafic automobile a diminué de 30% entre 2001 et 2014 grâce notamment aux nouveaux tramways, à la régulation du stationnement et au système de vélos en libre-service.
  • La tendance est similaire à Lyon où la part modale de la voiture dans les déplacements est descendue sur l’aire métropolitaine de 58 à 53% et de 35 à 26% sur le centre de l’agglomération - communes de Lyon et Villeurbanne - entre 2006 et 2015. Dans cette zone, le taux de motorisation des ménages est passé de 0,93 à 0,75, soit une baisse de 20% en moins de 10 ans.
De l’autre, un certain nombre d’agglomérations ont fait marche arrière sur la mobilité durable depuis les élections municipales en 2014 :
  • 9 villes ont remis en cause leur projet de transports collectifs en site propre.
  • 6 villes ont supprimé des couloirs réservés aux bus ou aux cyclistes.
  • 8 villes ont rendu le stationnement gratuit.
  • 10 villes ont restauré des parkings en centre-ville sur des espaces piétons.

Une ville avec moins de trafic routier est apaisée

Les transports routiers sont fortement responsables des nuisances sonores et des effets sur la santé associés. Les transports constituent en effet la première source de bruit dans la ville et sont sources d’impacts sur l’audition, la qualité du sommeil, les facultés d’apprentissage, les maladies cardiovasculaires, le stress. Selon une étude de l’Observatoire régional de santé Île-de-France et Bruitparif, les Franciliens perdent chaque année 75 000 années de vie en bonne santé rien qu’à cause du bruit des transports. Cette catastrophe sanitaire a aussi un coût : 3,8 milliards d’euros par an !

La rue aux enfants

Alors que l’espace de vie des enfants est limité du fait des insécurités routières en ville, ralentir voire restreindre la circulation routière tout en requalifiant l’espace public au profit d'usages variés de la voirie - piétonisation, espaces verts - se fait au bénéfice des enfants qui disposent alors d'un espace apaisé et sécurisant pour les parents et propice à leur développement personnel.

Toutes les villes sont désormais à un tournant

Si la voiture ne peut être entièrement bannie des villes, la mobilité durable ne peut rester l’apanage des seules grandes agglomérations et des métropoles dont les capacités financières ont permis d’investir dans les projets des transports collectifs lourds : métros, tramways, RER.
Les agglomérations et les villes moyennes ont pour défi de requalifier l’espace urbain au profit des mobilités alternatives à la voiture individuelle, de rapprocher le périurbain des pôles générateurs de déplacements, grâce à un urbanisme plus dense et axé sur la mixité fonctionnelle et les stations de transports publics et les gares.
Agir pour la qualité de l’air et contre les changements climatiques au niveau local en choisissant de modérer la circulation routière concourt à rendre la ville plus calme, moins congestionnée et à protéger l’environnement.



Les villes Respire de demain : agir sur la mobilité et les transports pour faire face à l'urgence sanitaire et climatique

Basé en large partie sur le transport routier, notre modèle de transports est à bout de souffle : premier secteur d'émissions de gaz à effet de serre en
ville et l'une des principales causes de pollution de l'air, la prédominance du tout voiture a un coût élevé pour les acteurs économiques, les citoyens et la collectivité toute entière. Fort heureusement, les collectivités territoriales disposent d'un nombre croissant d'outils pour agir à la source et modérer la place des véhicules motorisés et polluants au profit des mobilités alternatives, qu'elles soient actives comme le vélo et la marche à pied ou collectives et partagées. Comment assumer ses responsabilités tout en bâtissant des villes où il fait bon respirer en emportant le soutien de la population locale ? Les solutions favorables au report modal ne manquent pas. Elles n'attendent que vous pour être concrétisées dans les territoires !

Le Réseau Action Climat-France

Association spécialisée sur le thème des changements climatiques, regroupant 15 associations nationales de protection de l’environnement,
de solidarité internationale, d’usagers des transports et d’alternatives énergétiques, elle est le représentant français
du Climate Action Network International, fort de 900 associations membres dans le monde.

Les missions du rac sont :

  • Suivre les engagements et les actions de l'État et des collectivités locales en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques.
  • Dénoncer les lobbies et les États qui ralentissent ou affaiblissent l'action internationale.
  • Proposer des politiques publiques cohérentes avec les engagements internationaux de la France


Les villes Respire de demain

Rédactrice : Lorelei Limousin, responsable des politiques de transports au Réseau Action Climat France
Graphisme : solennmarrel.fr

Remerciements :
Aux membres du Comité de pilotage pour leurs précieux conseils.
Aux experts du service de la Qualité de l'air et du service Transports et mobilités de l'Ademe ainsi qu'aux membres du Réseau Action Climat pour leur relecture attentive.

 

Les villes Respire de demain


Comité de pilotage
:

Mohamedou Ba, Marie Pouponneau, Ademe
Silvano Domergue, Stéphane Taszka, Commissariat Général au Développement Durable
Marie Molino, Groupement des Autorités Responsables des Transports
Bernadette Humeaux, Fédération Française des Usagers de la Bicyclette
Marie Larnaudie, Plaine Commune
Charlotte Marchandise, ville de Rennes, réseau des villes-santé de l'OMS

Experts du service de la Qualité de l'air et du service Transports et mobilités de l'Ademe :
Nathalie Martinez et Bertrand-Olivier Ducreux
Membres du Réseau Action Climat :
Morgane Creach, Charlotte Isard, Meike Fink
Bruno Gazeau, Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports
Olivier Schneider, Fédération Française des Usagers de la Bicyclette