Qu’est-ce qu’on attend ?
Un film
documentaire de Marie-Monique Robin

(2) Les personnages - Entretien avec Marie-Monique Robin

 


Qui croirait que la championne internationale des villes en transition est une petite commune française ?
C’est pourtant Rob
Hopkins, fondateur du mouvement des villes en transition, qui le dit.
Qu’est-ce qu’on attend ?
raconte comment une petite ville d’Alsace de 2 200 habitants,
Ungersheim, s’est lancée dans la démarche de transition
vers l’après-pétrole en décidant de réduire son empreinte écologique, à l’initiative de la municipalité.

Les personnages


Jean-Claude Mensch, 70 ans, est le maire d’Ungersheim, élu sans discontinuer depuis 1989. Cet ancien mineur cégétiste s’est converti à l’écologie avec le combat contre la centrale nucléaire de Fessenheim. Ancien suppléant d’Antoine Waechter, l’un des fondateurs du parti des Verts, il n’est affilié aujourd’hui à aucun parti politique, même si l’écologie c’est toute sa vie. Visionnaire, il sait rassembler et motiver, et est considéré comme le père du programme de transition. Il aime à citer Gandhi l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul.

Jean-Claude Mensch © Frantisek Zvardon


Jean-Sébastien Cuisnier, 31 ans ; ce jeune vétérinaire a décidé de changer de métier, parce qu’il ne supportait plus de vacciner des vaches ou de les bourrer d’antibiotiques. Il s’est reconverti dans le maraîchage bio et la permaculture. Il a été recruté par la commune d’Ungersheim pour diriger la Régie agricole municipale, qui constitue avec Les Jardins du Trèfle Rouge l’un des piliers de la filière De la graine à l’assiette. Avec sa femme Alice, ostéopathe, il a entamé une transition familiale : moins de consommation, plus de sobriété et de… bonheur aussi.

Jean-Sébastien Cuisnier © Frantisek Zvardon

Muriel Thomas, 36 ans, cadre commerciale à Mulhouse. Avec son mari Frank, informaticien, elle fait partie des neuf copropriétaires de l’Éco-hameau, qui représente l’une des 21 actions du programme de transition. Les maisons et appartements sont sortis de terre entre mai et décembre 2015. Muriel s’est lancée dans cette aventure pour allier l’écologie et le vivre ensemble. Arrivée en tailleur lors de la première visite de chantier, elle s’est mue progressivement en auto-constructeur endossant le bleu de travail pour manier la spatule et les enduits à la chaux.

Muriel Thomas © Frantisek Zvardon

Christophe Moyses, 48 ans, paysan-boulanger, a abandonné l’agriculture conventionnelle pour cultiver avec sa femme Lili des variétés anciennes de blé, dont certaines datent du Moyen-Âge. Le couple moud sa farine et vend ses pains à la ferme ou sur les marchés locaux, avec beaucoup de succès, notamment - mais pas seulement ! - auprès des personnes allergiques au gluten. Il fait partie du réseau des semences paysannes.

Christophe Moyses © Frantisek Zvardon

Alice Schneider, 82 ans. Cette ancienne directrice marketing d’une entreprise de cosmétiques est la mémoire vivante d’Ungersheim. Elle a connu le village avec des prairies naturelles, de l’élevage et de la polyculture, avant qu’on arrache toutes les haies et les bosquets pour planter des monocultures de maïs et de blés modernes. Utilisatrice inconditionnelle du Radis, la monnaie locale d’Ungersheim, elle dit que la transition c’est recréer des liens et refuser la morosité en construisant l’avenir.

Alice Schneider © Frantisek Zvardon

Bertrand Helmli-Fontez, un technicien de 42 ans, père de deux enfants, qui a fait construire une maison à Ungersheim en 2013, car, dit-il, dès que j’ai découvert la commune, j’ai su que c’était là que je voulais que ma famille grandisse. Bertrand a découvert le bonheur d’agir ensemble pour le bien commun. Il fait partie de la commission énergies renouvelables du Conseil participatif et est toujours volontaire pour donner un coup de main à la Régie agricole ou sur les chantiers de la commune.

Bertrand Helmli-Fontez © Frantisek Zvardon

Sébastien et Ayat, se sont rencontrés aux Jardins du Trèfle Rouge, où ils sont en contrat d’insertion. Grâce à cette ferme maraîchère, soutenue par la commune, ils voient le bout de la précarité. Ils ont déménagé ensemble dans une petite maison et attendent un enfant.

Sébastien et Ayat © Frantisek Zvardon


Mathieu Winter, l’architecte de l’Éco-hameau, a la mission difficile de coordonner la construction en respectant la charte que les neuf copropriétaires ont signée à la demande de la commune : zéro-carbone, maisons passives, buanderie commune... Formé en Allemagne, il est un pionnier dans le domaine de l’habitat durable et un promoteur de l’isolation thermique par la paille, qui est, dit-il, écolo et high tech !.

Aimé Moyses, 61 ans, grand céréalier conventionnel - maïs et blé - et élu municipal. Il est très inquiet pour l’avenir de sa ferme en raison du changement climatique et dit qu’Ungersheim est un laboratoire. Considéré comme le Monsieur sceptique du conseil municipal, il est néanmoins ravi de collaborer avec un maire bio et vert, car beaucoup de communes nous envient.
Entretien avec Marie-Monique Robin
© Marc Duployer

 


Comment l’idée de réaliser ce film vous est-elle venue ?

En 2014 j’ai réalisé un documentaire pour ARTE intitulé Sacrée croissance ! qui questionnait le dogme de la croissance économique illimitée et montrait des expériences abouties au nord et au sud de la planète traçant la voie vers une société post-carbone, plus durable, plus juste et plus solidaire. Ces initiatives visaient à développer l’autonomie alimentaire et énergétique des territoires tout en stimulant l’économie locale à travers les monnaies complémentaires. Tourné dans sept pays, mon film ne comportait aucun exemple français. C’est lors d’une projection du film à Thann (Haut-Rhin) que j’ai découvert l’existence du programme de transition exceptionnel d’Ungersheim. L’envie de faire ce film a grandi en moi tout au long de l’année 2015 alors que je tournais un documentaire intitulé Sacré village ! pour France 3 Alsace et Ushuaïa Télévision : on y voit Rob Hopkins – le père du mouvement des villes en transition – déclarer que l’expérience d’Ungersheim est unique au monde.

Vous passez donc de la télévision au cinéma, pourquoi ?

Très vite, il m’est apparu que je ne pourrais jamais utiliser la totalité du matériel filmé, car sa richesse dépassait toutes mes espérances. Après mon repérage en février 2015, j’avais écrit un synopsis qui permettait de raconter la mise en oeuvre des 21 actions du programme de transition à travers des personnages clés, sur lesquels je voulais construire mon documentaire, mais j’avais complètement sous-estimé la puissance de la dynamique que génère une démarche de transition globale, encouragée par des élus et désirée par des citoyens éclairés, qui d’un coup sont prêts à libérer le meilleur d’eux-mêmes.
Avec le caméraman Guillaume Martin et l’ingénieur du son Marc Duployer, nous avons compris que l’histoire que nous filmions avait une valeur universelle et qu’en ces temps de doute et d’inquiétude - écologique, économique, politique - elle pourrait montrer aux citoyens que des alternatives existent et sont possibles. C’est ainsi que s’est imposée à moi l’idée de raconter cette histoire d’une autre manière : à travers un film, diffusé sur le grand écran.


Comment avez-vous produit ce film ?


Malheureusement, M2RFilms n’a pas pu obtenir l’aide du CNC, car celui-ci avait déjà soutenu la production du 52 minutes pour la télévision. Pourtant, pour réaliser Qu’est-ce qu’on attend ?, j’ai filmé des séquences supplémentaires, et notamment les entretiens conduits en studio, dans la bulle, ainsi que l’a dit l’un des personnages du film. J’y recueille une parole qui s’adresse au spectateur en lui disant des mots qu’il aurait pu dire, car en ces temps de confusion, qui n’a pas envie d’une cause commune pour remettre de la cohérence dans le grand désordre global ? Bien évidemment, il a fallu reprendre le montage de zéro - quatre mois supplémentaires -, le mixage, la musique, créer une affiche, préparer la distribution... M2RFilms a quasiment tout
autofinancé...

Au delà d’Ungersheim, votre film pose des questions fondamentales sur le vivre autrement...

Alors que je m’apprêtais à raconter le plus fidèlement possible une expérience de transition vers l’après-pétrole, j’ai effectivement été confrontée à des questions fondamentales qui taraudent chacun d’entre nous, et pas seulement les écolos-bobos. De quoi avons-nous vraiment besoin pour vivre ? À quoi tenons-nous ? Qu’est-ce que nous voulons transmettre à nos enfants ? Quel est le lien entre le contenu de notre assiette et l’état de la planète ? À quoi sert l’argent ? Quel est le sens du travail ? Qu’est-ce que le bien commun ? Et le bonheur ? Toutes ces questions courent tout au long du film.



C’est lors d’une projection du film à Thann que j’ai découvert l’existence
du programme de transition exceptionnel d’Ungersheim.


Que souhaiteriez-vous dire au public ?


J’ai envie de convier les citoyens et citoyennes à venir voir et entendre ce conte des temps modernes, qui montre que tout n’est pas perdu et qu’une autre voie est possible ici et maintenant. J’ai envie aussi de les inviter à s’enfoncer dans un fauteuil et l’obscurité pour plonger littéralement dans ce récit porté non plus par mon commentaire, mais par la voix même de ceux et celles qui écrivent ce que pourrait être le futur et que j’appelle les lanceurs d’avenir....

BIOGRAPHIE ET FILMOGRAPHIE DE MARIE-MONIQUE ROBIN


Marie-Monique est née en 1960 dans une ferme du Poitou.
À la fin des années 70, étudiante en Allemagne, la jeune fille engagée consacre sa maîtrise à l’apparition d’un nouveau mouvement politique, les Verts. Dans les années 80, ses quatre sous de journaliste débutante passent en billets pour l’Amérique du Sud. Ce sont ses premiers reportages internationaux. Elle sillonne la Colombie, un pays où l’on risque sa vie à révéler ce que certains voudraient taire : en 1988 pour Résistances, elle y compte 26 journalistes assassinés en trois années. Lauréate d’une trentaine de prix internationaux, elle reçoit le prix Albert-Londres en 1995, puis en 2009 le prix Rachel Carson (Norvège).
En 2013 elle est décorée de la Légion d’honneur par Dominique Méda sur le site de Notre-Dame-des-Landes. Et en 2016, elle reçoit de la SCAM le Prix Christophe de Ponfilly pour l’ensemble de son oeuvre. En 30 ans Marie-Monique a réalisé plus de 200 reportages et documentaires. Une dizaine d’entre eux sont associés à des livres.


Escadrons de la mort, l'école française
On peut faire autrement pour résoudre la question alimentaire en respectant l’environnement et les ressources naturelles, et en (re)donnant aux paysans un rôle clé dans cette évolution indispensable à la survie de l’humanité.

Marie-Monique Robin,
Les Moissons du futur


Les moissons du futur


SES DOCUMENTAIRES LES PLUS MARQUANTS


SACRÉ VILLAGE ! : 52’, France 3 Alsace, Ushuaïa TV, RSI, 2016.

BHOUTAN : À LA RECHERCHE DU BONHEUR : 56’, ARTE, Ushuaïa TV, RSI, 2015.

FEMMES POUR LA PLANÈTE : 52’, ARTE, Ushuaïa TV, 2015.

SACRÉE CROISSANCE ! : 96’, ARTE, RTBF, TSR, RTL Luxembourg... 2014. Prix Greenpeace au Festival Film Vert (Genève 2015), 1er prix du long métrage international au Festival Internacional de Cine Ambiental (Buenos Aires, 2016).

LES MOISSONS DU FUTUR : 96’, ARTE, RTBF, TSR, TéléQuébec, RTL Luxembourg, 2012. Prix TV Ushuaïa au festival du film écologique de Bourges.

NOTRE POISON QUOTIDIEN : 112’, ARTE, RTBF, Discovery Channel, TSR, Télé Québec, etc, 2011.

TORTURE MADE IN USA : ARTE, RTBF, TSR, 2011, diffusé sur le site de Mediapart, octobre/décembre 2010 (120 000 visites). Prix Olivier Quemener du FIGRA 2010, Prix spécial du jury, Festival des Libertés de Bruxelles.

LE MONDE SELON MONSANTO : 108’, ARTE, WDR, ONF, RTBF, TSR, NHK et vingt chaînes internationales, diffusé début 2008. Prix du meilleur moyen ou long documentaire, au Festival international du film francophone en Acadie, Prix spécial du Jury au Festival international du scoop d’Angers, Prix Rachel Carson (Norvège), Trophée des sciences du danger ( Cannes), Etoile de la SCAM, Prix de l’Ekofilm Festival de Cesky Krumlov (République Tchèque), Prix du Meilleur Film à l’Environmental Media Prize de Berlin.

ESCADRONS DE LA MORT: L’ÉCOLE FRANCAISE : CANAL +/ ARTE, 2003. Prix du meilleur documentaire politique (Laurier du Sénat), Prix de la meilleure investigation du FIGRA. Award of Merit (Latin American Studies Association/ USA). Prix du meilleur documentaire de Egyptian Cinema Critica Association Jury.

VOLEURS D’ORGANES : 52’, Planète Cable/Canal+ Espagne/ARD, 1993. Prix Albert Londres, Prix du Grand documentaire au Festival d’Angers, Prix du meilleur documentaire étranger au Festival de la Havane, Prix du jury catholique au festival de Monte Carlo, Prix Médiaville, 1995.



Le Monde selon Monsanto

- Mangeriez-vous des pommes de terre transgéniques?
- Non, et en tant que scientifique qui travaille activement dans ce domaine, je pense qu'il n'est pas juste de prendre les citoyens britanniques pour des cobayes !


Arpad Pusztai


Film documentaire Qu’est-ce qu’on attend ?


EN SALLE LE 23 NOVEMBRE 2016

Réalisation : Marie-Monique Robin
Montage : Françoise Boulègue
Image : Guillaume Martin
Son : Marc Duployer
Musique : Jean-Louis Valero
Production : M2R Films
Programmation : Yann Vidal
Le film est auto-produit. Durée : 1h59
Avec la participation de :
Mulhouse Alsace Agglomération (M2A),
Shaman-Labs,Olivier Legrain