La
Liste rouge régionale mesure le degré de menace pesant sur
les 178 espèces d’oiseaux nicheurs en Île-de-France.
Ce travail de synthèse a été réalisé
par un groupe d'ornithologues issus de différentes structures franciliennes.
Ils ont apporté leur expertise pour la vérification des
données et procédé à la validation collégiale
des résultats. Pour dresser ce bilan, le travail préparatoire
s’est appuyé sur les nombreux travaux existants portant sur
l’avifaune reproductrice régionale et des alentours, dont
certains sont considérés comme incontournables quand il
s’agit de déterminer le statut francilien d’une espèce
d’oiseau. Cependant, l’élaboration en 2012 d’une
Liste rouge régionale appliquant la méthodologie officielle
établie par l’UICN, a constitué une référence
nouvelle et incontestée en ce qui concerne l’évaluation
des menaces pesant sur les oiseaux nicheurs en région Île-de-France.
Près
d’une espèce d’oiseau sur trois disparue
ou menacée de disparition en Île-de-France
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Les menaces sur les oiseaux en quelques chiffres
Au total, 178 espèces d’oiseaux se reproduisent
ou se sont reproduites dans la période récente
en Île-de-France. Conformément à la méthodologie
UICN, certaines d’entre elles - vingt-sept espèces
- ne sont pas soumises à l’évaluation (NA).
Par conséquent, l’évaluation des risques
de disparition a porté sur 151 espèces d’oiseaux
nicheurs en Île-de-France et révèle une
situation particulièrement préoccupante.
Un état de conservation plutôt défavorable
Dix espèces nicheuses sont déjà considérées
comme disparues de la région au cours des soixante dernières
années, comme le montre la 4ème figure ci-contre.
On retrouve parmi elles, des espèces fortement menacées
sur l’ensemble du territoire français, comme la Bécassine
des marais (Gallinago gallinago) et le Râle des
genêts (Crex crex), qui traduisent l’inquiétude
entourant la question de la régression des prairies humides
naturelles constatée en France et dans de nombreux pays
d’Europe. En Île-de-France, ce déclin leur
a déjà été fatal.
Plusieurs espèces inféodées aux milieux agricoles,
comme l’Outarde canepetière (Tetrax tetrax),
la Pie-grièche à tête rousse (Lanius senator)
ou le Traquet tarier/Tarier des prés (Saxicola rubetra)
attestent aussi, par leur disparition, du problème lié
à l’intensification de l’agriculture qui, lui
aussi, dépasse les frontières de l’Île-de-France.
Et sans surprise, on dénombre parmi les espèces
disparues d’Île-de-France, des oiseaux intimement
liés aux zones humides et particulièrement exigents
en terme de qualité d’habitat, comme le Butor étoilé
(Botaurus stellaris), encore nicheur dans la région
il y a une quinzaine d’années, ou les Guifettes noires
(Chlidonias niger) et moustac (Chlidonias hybridus),
dont les derniers couples franciliens se sont reproduits à
la fin des années 1950. L'Île-de-France n'échappe
malheureusement pas à la préoccupation planétaire
concernant l'état de conservation des zones humides.
Par ailleurs, quatorze espèces sont En danger critique
d’extinction, dont la moitié sont des espèces
de zones humides - Sarcelle d’été, Busard
des roseaux, Rousserolle turdoïde, Sterne naine... -, ce
qui confirme les craintes évoquées plus haut, et
classe la région Île-de-France dans une position
particulièrement médiocre du point de vue de ses
milieux aquatiques.
Sept espèces sont classées En danger et
dix-huit sont dans la catégorie Vulnérable.
Au total, ce sont donc trente-neuf espèces qui sont actuellement
menacées dans la région, soit plus d’une espèce
nicheuse sur quatre ! Un constat à rapprocher de celui
résultant de la Liste rouge des oiseaux menacés
de France, publiée en 2011, puisque la situation francilienne
s’aligne exactement sur la situation nationale. Dans les
deux cas, 26 % des espèces nicheuses sont menacées,
soit plus d’un quart de l’avifaune reproductrice de
ces territoires.
L’Île-de-France étant la région la plus
peuplée et l’une des plus urbanisées de France,
son environnement est souvent déprécié, car
considéré comme le plus morcelé et l’un
des plus perturbés du territoire national. À ce
titre, on aurait pu s’attendre à un résultat
encore plus critique que celui observé à l’échelle
nationale. Bien maigre consolation cependant ! Si l’on ne
regarde que les espèces menacées (CR, EN et VU),
la proportion est la même pour la France et pour l’Île-de-France.
Mais une différence notable se dégage concernant
les espèces Disparues : l’Île-de-France
compte le double d’espèces disparues, alors que le
nombre d’espèces évaluées est quasiment
divisé par deux par rapport à la Liste rouge nationale
: en Île-de-France, 10 espèces disparues sur 151,
en France 5 sur 277. En outre, en Île-de-France, le classement
en Disparue régionale s’est pourtant limité
aux espèces ayant niché régulièrement
dans la région après 1950, alors qu’à
l’échelle nationale, le seuil retenu remonte bien
plus loin. Si le même seuil avait été choisi
pour l’évaluation au niveau national, cette catégorie
ne concernerait que deux espèces, au lieu de cinq.
La proportion d’espèces de la catégorie Quasi
menacée est également plus importante en Île-de-France.
Par conséquent, le constat global est donc beaucoup plus
inquiétant pour l'Île-de-France que pour la France.
Avec seulement 52,3 % d’espèces classées en
Préoccupation mineure, c’est à peine
plus de la moitié des oiseaux nicheurs franciliens dont
le risque de disparition est estimé faible. Un résultat
que l’on peut donc qualifier d’alarmant. Pour bien
se rendre compte de l’ampleur des menaces qui peuvent peser
sur les oiseaux d’Île-de-France, on peut aussi comparer
la situation francilienne des 151 espèces nicheuses dans
la région avec le statut national de ces mêmes 151
espèces. Le constat révélé par la
figure ci-contre est déroutant.
Il
est évident que la taille des populations concernées
influence ce résultat. Au niveau national, les populations
évaluées sont toujours plus importantes qu’au
niveau régional puisque le territoire étudié
est plus vaste. On a vu que les critères de taille de population
et de surface occupée par une espèce sont primordiaux
pour statuer sur les menaces qu’elle encoure. On peut donc
logiquement s’attendre à ce que la situation régionale
soit plus critique que la situation nationale. Néanmoins,
un tel décalage est inattendu et révèle clairement
un état de conservation insuffisant des espèces
et de leurs milieux en Île-de-France.
De surcroît, il est également admis que les seuils
retenus dans la méthodologie de l’UICN sont universels.
Par conséquent, quel que soit le biais engendré
par la comparaison de deux territoires de taille différente,
les statuts de menace établis sur l’une ou l’autre
des surfaces traduisent bien de réelles pressions sur les
populations concernées.
De fait, le constat dressé par cette Liste rouge régionale
est particulièrement préoccupant quant à
l’état de santé de la biodiversité
francilienne d’une manière générale.
Dans certains cas, des mesures adaptées sont actuellement
déployées pour tenter d’enrayer cette situation
pessimiste, mais nombre d’efforts restent encore à
fournir. Il faut donc espérer que cette Liste rouge tienne
son rôle d’alerte et de sensibilisation auprès
d’un large public, afin que les actions de conservation
et de préservation des espèces et de leurs habitats
puissent, pour le moins, continuer et, pour le mieux, s’accentuer
et s’accélérer. |

Catégories
de menace attribuées par la Liste rouge (sources
: UICN)
Les acronymes standards correspondent à la dénomination
des catégories en anglais :
RE = Regionally Extinct, CR = Critically Endangered, EN = Endangered,
VU = Vulnerable, NT = Near Threatened, LC = Least Concerned,
DD = Data Deficient, NA = Not Applicable, NE = Not Evaluated

Nombre d’espèces nicheuses de la région
Île-de-France par catégorie de la Liste rouge

Répartition
des 151 espèces d’oiseaux nicheurs d’Île-de-France
évaluées en fonction
des différentes catégories de la Liste rouge (N
= Nombre total d’espèces concernées)

Comparaison
entre les proportions d’espèces menacées
en France et en Île-de-France

Comparaison
entre les proportions d’espèces menacées
en France et en Île-de-France,
en ne tenant compte que des 151 espèces nichant en Île-de-France

Une des espèces oubliées par
la protection règlementaire, la Mésange boréale
(Parus montanus) s’est considérablement
raréfiée en Île-de-France. Elle est d’ailleurs
devenue trop rare pour que son déclin soit quantifiable
par le programme Stoc. © Matthieu Vaslin
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Bonne adéquation entre Liste rouge régionale
et statuts règlementaires
Parmi les 151 espèces nicheuses en Île-de-France,
cinquante-sept (38 %) sont dites remarquables parce
qu’elles relèvent d’au moins un des trois
statuts règlementaires en vigueur sur notre territoire
(voir la Figure 7, page 24). À savoir l’Annexe
1 de la Directive Oiseaux - trente espèces concernées
en Île-de-France -, les Stratégies de création
des aires protégées – Scap - dix-neuf espèces
concernées - et le classement en Zone naturelle d’intérêt
écologique, faunistique et floristique - Znieff : cinquante
espèces concernées.
Toutes les espèces Disparues au niveau régional
font l’objet d’au moins un de ces statuts
règlementaires en Île-de-France. C’est également
le cas de trente et une des trente-neuf espèces menacées.
Parmi les huit espèces oubliées, on
compte une espèce En danger critique d’extinction
en limite méridionale de son aire de répartition
- le Goéland cendré -, deux espèce En
danger - le Cochevis huppé et le Pouillot siffleur
- et cinq espèces Vulnérables : la Nette
rousse, le Tadorne de Belon, le Pic épeichette, le Pipit
farlouse et la Mésange boréale.
Ainsi, près de 80 % des espèces menacées
en Île-de-France possèdent un statut règlementaire
révélateur de leur intérêt patrimonial.
De la même façon, 90 % des espèces désignées
par l’un de ces trois statuts règlementaires et
nichant en Île-de-France, sont éteintes, menacées
ou quasi-menacées selon les critères de la Liste
rouge.
Ces statuts de réglementation semblent globalement très
cohérents avec l’état de conservation des
différentes espèces d’oiseaux en Île-de-France,
et pertinents pour permettre une meilleure protection de ces
dernières.
Il apparaît cependant urgent de déployer des mesures
pour protéger les huit espèces oubliées,
et en particulier celles dont le déclin est le plus rapide,
et donc le plus inquiétant : le Cochevis huppé
et le Pouillot siffleur.
Répartition du nombre d’espèces ayant un
statut règlementaire en fonction des différentes
catégories de menace de la Liste rouge
Scap : stratégie de création des aires protégées
Znieff : zone naturelle d’intérêt écologique,
faunistique et floristique
Natura 2000 : espèces classées à l’Annexe
1 de la Directive Oiseaux
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Liste
des oiseaux nicheurs d’Île-de-France par catégorie
de menace
(extrait) |
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Pour
les espèces menacées, le classement dans l’une
des catégories CR, EN ou VU est justifié par
les critères (A à E) et les sous-critères
(1, 2, 3... ; a, b, c... ; i, ii, iii...) dont les seuils
sont remplis.
Ex. la Sterne naine : Catégorie : CR ; Critère
: D
-
Pour
les espèces classées en catégorie NT,
les critères ayant conduit à considérer
l’espèce proche de la catégorie VU sont
précisés à la suite du préfixe
« pr. ».
Ex. le Moineau friquet : Catégorie : NT ; Critère
: pr. A2abc
-
Pour les espèces dont l’évaluation au
niveau régional a nécessité un ajustement
en raison de l’influence de populations extérieures,
la catégorie initiale avant ajustement est mentionnée
avec ses critères justificatifs, suivie du nombre de
niveaux dont cette catégorie a été déclassée
(-1, -2...) pour obtenir la catégorie finale.
Ex. le Milan noir : Catégorie : VU ; Critère
: EN (D) (-1)
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Plus d’un quart des oiseaux nicheurs d’Île-de-France
menacé
L’élaboration de cette Liste rouge
des oiseaux nicheurs d’Île-de-France a permis de mesurer
le degré de menace qui pèse sur l’avifaune
reproductrice de la région. Ce premier état des
lieux révèle une situation très préoccupante
puisque trente-neuf espèces sont actuellement menacées
dans la région, soit plus d’une espèce sur
quatre ! Un constat à rapprocher des conclusions de la
Liste rouge des oiseaux menacés
de France, publiée en mai 2011. En effet, les situations
francilienne et nationale semblent exactement s’aligner,
car dans les deux cas 26 % des espèces nicheuses sont menacées.
Cependant, le bilan régional s’alourdit nettement
si l’on considère que sur la période 1950
- 2010, dix espèces nicheuses (7 %) ont disparu d’Île-de-France,
contre seulement deux espèces pour la même période
sur l’ensemble de la France. Ainsi, le tiers de l’avifaune
nicheuse d’Île-de-France évaluée dans
cette Liste rouge est soit éteinte, soit menacée.
L’état des lieux actuel peut être qualifié
d’alarmant. Le développement de programmes de conservation
spécifiques permettrait de mettre en place des mesures
plus adaptées
et d’obtenir des résultats satisfaisants, à
l’image de ce qui se fait aujourd’hui en Île-de-France
sur la Chouette chevêche
ou l’OEdicnème criard, deux espèces qui ne
sont plus directement menacées dans la région.
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La
Liste rouge des oiseaux nicheurs d’Île-de-France
Coordination
: Julien Birard, Natureparif
Un
tel travail de synthèse n’aurait pu être
possible sans le réseau d’observateurs qui
permet depuis de nombreuses années de compiler
de précieuses informations sur l’avifaune
qui peuple notre région. Tous ces producteurs de
données représentent le socle évident,
essentiel à la publication d’ouvrages susceptibles
de faire évoluer les connaissances
sur les oiseaux d’Île-de-France et par conséquent,
les actions adaptées pour les favoriser ! Nous
tenons donc à remercier tout particulièrement
l’ensemble des participants
à l’Observatoire régional des oiseaux
communs d’Île-de-France - Oroc - coordonné
par le Corif et le MnHn : déclinaison régionale
du programme Stoc.
Nous remercions également les différents
réseaux et structures naturalistes d’Île-de-France
pour tous les travaux de synthèse
établis au fil des ans sur l’avifaune régionale
et sur lesquels la présente publication s’est
appuyée.
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La
Liste rouge
des oiseaux nicheurs
d’Île-de-France |
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Comité d’évaluation
Experts : Gérard Beaudoin (LPO), Nicolas Flamant (ANVL,
Écosphère), Jean-Christophe Kovacs (Écosphère),
David Laloi (UPMC, CSRPN, Corif, LPO), Pierre Le Maréchal
(Corif), Guilhem Lesaffre (Corif), Jean-Philippe Siblet (ANVL,
CSRPN, SPN/MnHn)
et Laurent Spanneut (ANVL, Écosphère)
Évaluateurs : Aurore Cavrois (UICN France), Florian
Kirchner (UICN France)
Comité
de rédaction
Rédaction du document : Julien Birard (Natureparif),
Maxime Zucca (Natureparif)
Relecture : Jean-Philippe Siblet (MnHn)
Réalisée
avec l’appui technique du Comité français
de l’UICN
et du Muséum national d’Histoire naturelle.
Parution
: Février 2012 |
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