La
Liste rouge selon la méthodologie de l’Union internationale
pour la conservation de la nature - UICN - mesure un risque, une probabilité,
d’extinction des taxons au niveau
mondial, ou un risque de disparition au niveau régional.
Un
Plan national d’actions en faveur des odonates
a été déployé sur l’ensemble du territoire
métropolitain, de 2010 à 2015, pour poser les bases de la
conservation à long terme des libellules. L’objectif du plan
était double : améliorer la connaissance sur les libellules
et leurs habitats, tout en permettant à un réseau d’acteurs
d’interagir pour mener des actions visant le maintien ou le rétablissement
des espèces dans un état de conservation favorable.
Ce plan est décliné en région Île-de-France,
et est actuellement dans la phase de mise en oeuvre pour la période
2013-2017.
Les
principes d’évaluation de l’UICN
|
Une
évaluation standardisée
Le principe de l’établissement d’une Liste
rouge régionale est une démarche en deux étapes
:
-
Application des critères - UICN FRANCE, 2011 - aux
populations régionales comme s’il s’agissait
des populations mondiales ;
-
Ajustement des catégories de menaces retenues en en
fonction du statut des populations limitrophes : Picardie,
Champagne-Ardenne, Bourgogne, Centre, Haute-Normandie ; ces
régions étant dotées pour la plupart
de Listes rouges et/ou d’atlas récents.
Niveaux
de menace des habitats et des espèces dans les régions
voisines, taille et dynamique de ces populations, potentialités
de colonisation ou d’échanges entre populations sont
donc autant d’indices permettant d’ajuster le statut
francilien.
Les déductions et prévisions peuvent être
acceptées si elles sont bien étayées. L'évaluation
doit avant tout être objective, plutôt que reposer
a priori sur un principe de précaution. Si une approche
de précaution, due à l’incertitude dans les
données, est appliquée, elle doit rester réaliste
et argumentée.
Le niveau taxonomique d’évaluation est l’espèce.
Chaque espèce analysée en fonction de critères
normalisés - UICN, 2001 - est classée dans une des
catégories de menace (figure ci-contre).
Pour garantir une bonne application des critères et l’homogénéité
de traitement des Listes rouges au niveau national et régional,
une réunion de calage a eu lieu avec le Comité français
de l’UICN, achevant ainsi le processus d’élaboration
de cette Liste rouge. La méthodologie et les résultats
obtenus ont ensuite été présentés
puis validés en Conseil scientifique régional du
patrimoine naturel.
La
méthodologie appliquée aux odonates
Référentiel
Afin de statuer sur la situation de chaque espèce d’odonate
en Île-de-France, la première étape de l’élaboration
de cette Liste rouge consiste à recueillir un maximum de
données, les plus complètes et les plus fiables
possibles, pour permettre une interprétation la plus détaillée
possible. Cette documentation rassemble donc des informations
sur l’aire de répartition, les habitats, l’autochtonie,
la taille des populations, les dynamiques, la rareté relative,
les menaces et les mesures de conservation spécifiques...
Le référentiel régional suit la nomenclature
de la SfO, reprise dans le référentiel du Muséum
national d’Histoire naturelle. Celui-ci a été
établi avec l'aide de l'analyse de la bibliographie régionale
de la SfO dans le cadre des programmes nationaux d’Inventaire
cartographique des Odonates de France, et Complément à
l'Inventaire des Libellules de France, puis des données
recueillies dans le cadre de la rédaction du Plan régional
d’actions en faveur des odonates d’Île-de-France,
permettant la constitution d’une base régionale de
données opérationnelle, support indispensable à
la mise en oeuvre d’actions concrètes de conservation.
La base de données SfO-Opie concernant les odonates d’Île-de-France
comprenait au moment de l’évaluation 28 804 données,
dont 28 006 pour la période 1992-2012. La figure ci-contre
montre l’origine de ces données, répartie
entre les deux programmes de la SfO et la rédaction du
PRA. |
Catégories
de menace attribuées par la Liste rouge (sources
: UICN)
Les acronymes standards correspondent à la dénomination
des catégories en anglais :
RE = Regionally Extinct, CR = Critically Endangered, EN = Endangered,
VU = Vulnerable, NT = Near Threatened, LC = Least Concerned,
DD = Data Deficient, NA = Not Applicable, NE = Not Evaluated
L’Agrion à fer de lance (Coenagrion
hastulatum), historiquement cité d’Île-de-France
mais considéré par les experts comme relevant
d'une donnée douteuse. ©
Xavier Houard
Origine des
données d'observations d'odonates en Île-de-France,
utilisées pour l’évaluation Liste rouge
(sources : SfO/Opie)
|
Découpage
de l'Île-de-France en unités paysagères
(sources : SRCE IDF/Écosphère)
Densités
d'observations (nombre de données par km²) et nombre
d’espèces connues
(sources : SfO/Opie) par
entité paysagère d'Île-de-France
(sources : SRCE IDF/Écosphère)
Nombre de données franciliennes par année
(source : SfO/Opie)
Mare temporaire à petits hélophytes ©
Xavier Houard
|
Analyse critique du jeu de données
Ce jeu de données a été jugé suffisamment
conséquent pour permettre une première évaluation
objective. Cependant, la connaissance odonatologique francilienne
est encore loin d’être exhaustive, surtout dans
certaines zones géographiques. En effet, si la densité
moyenne d’observations - 2,4 données par km²
- à l’échelle régionale démontre
une pression de prospection relativement importante, on note
de fortes disparités entre les différentes unités
paysagères (figure ci-contre).
D’une façon générale, les massifs
forestiers et les grandes vallées ont plus de données
que les plaines agricoles ouvertes. En effet, ces dernières
attirent moins spontanément les odonatologues et les
naturalistes qui préfèrent prospecter des milieux
naturels réputés pour accueillir des habitats
aquatiques encore préservés. Une stratégie
de prospection mieux répartie devrait donc permettre
de lisser les disparités observées et d’objectiver
le réel déficit odonatologique des secteurs agricoles.
La figure ci-dessous à gauche montre que deux secteurs
sont particulièrement bien prospectés : l’Hurepoix-Yveline,
qui inclue le massif de Rambouillet, et la vallée de
la Seine amont, qui inclut la Bassée. À l’inverse,
les deux secteurs très agricoles - la Brie et la Beauce
- montrent une très faible densité d’observations.
Pourtant, la diversité observée n’est pas
négligeable, particulièrement en Brie, ce qui
devrait inciter à l’avenir à une meilleure
prospection.
Tous les autres secteurs peuvent être considérés
comme moyennement prospectés et présentent des
situations variées. Certains secteurs comme le Gâtinais,
qui inclut le massif de Fontainebleau, ont une faible densité
de données, alors que la diversité d’espèces
est importante. Un gros enjeu d’amélioration des
connaissances pèse sur ces secteurs.
Cette vision critique et objective de la qualité du jeu
de données a été constamment prise en compte
lors des réflexions du groupe d’experts, notamment
lors de l’analyse des cartes de répartition des
espèces et des calculs mathématiques, la surface
d’occupation en particulier. Certaines espèces
ont ainsi été considérées comme
non évaluables dans l’état actuel
des connaissances. Dans la présentation des résultats
et pour les analyses qui vont suivre, il convient de garder
en tête l’état de la connaissance odonatologique
francilienne afin de relativiser cette première évaluation.
Période de référence
Toutes les données ont été prises en compte
pour identifier la liste des espèces retenues dans cette
Liste rouge régionale. Par contre, seules les 21 dernières
années - 1992-2012 - ont été conservées
pour évaluer le statut de ces espèces dans la
région. Vu le faible recul historique du jeu de données
de référence (figure ci-dessous à gauche),
nous avons légèrement transgressé la recommandation
de l’UICN de s’en tenir aux seules dix dernières
années, pour considérer une période de
référence plus large.
Nous avons ainsi proposé d'utiliser une période
de référence de 21 ans - 1992-2012 - pour le calcul
des variations des paramètres du critère [B],
avec une année charnière : 2002. Ainsi, les variations
ont été calculées entre les périodes
1992-2001 et 2002-2012.
Les espèces répertoriées sur le territoire
francilien mais non revues depuis 1992 ont donc été
considérées comme présumées
disparues, si elles ont fait l’objet de recherches
spécifiques ou si la pression d'observation - nombre
de sorties et dates de prospection - dans les secteurs d'observation
a été jugée satisfaisante. Cependant, pour
ces espèces pouvant être considérées
a priori comme non revues ou disparues d’Île-de-France,
il a été préalablement vérifié
que le statut Non applicable [NA] ne pouvait leur être
attribué avant de les considérer comme Régionalement
éteintes [RE]. Ainsi, seules les espèces
non revues depuis 1992 et ayant satisfait aux conditions du
filtre NA ont été considérées comme
RE.
Quatre espèces ont été citées une
fois au cours du xviiie et xixe siècle mais n’ont
pas été revues depuis. Il s’agit premièrement
de deux espèces de Gomphes typiques des grandes rivières
et des fleuves : le Gomphe à pattes jaunes (Gomphus
flavipes) en 1840 et le Gomphe serpentin (Ophiogomphus
cecilia) en 1785, et deuxièmement, de deux Leucorrhines
qui trouvent leur bastion dans le nord-est de l’Europe
: la Leucorrhine à front blanc (Leucorrhinia albifrons)
en 1842 et la Leucorrhine rubiconde (Leucorrhinia rubicunda)
en 1858. Ces espèces n’ayant qu’une seule
observation non contemporaine dans la base de données
de la SfO, nous ne pouvons statuer objectivement sur le fait
qu'elles appartiennent à la faune francilienne. De ce
fait, elles n’ont pas été confrontées
aux critères de la Liste rouge. De même, deux autres
espèces possèdent une citation unique et imprécise,
considérée comme relativement douteuse
: elles ont donc été écartées de
l’évaluation. Il s’agit de l’Agrion
à fer de lance (Coenagrion hastulatum) et de
l’Épithèque bimaculée (Epitheca
bimaculata). Cependant, cette dernière a finalement
été redécouverte en Île-de-France
juste après l’élaboration de la Liste rouge.
Au regard du faible nombre de données sur 1992-2001 -
7 478 - par rapport à la période 2002-2012 - 20
528 -, nous estimons que l’augmentation de la période
de référence n’aura pas biaisé la
méthode d’évaluation. Ces données
auront permis de vérifier et de confirmer certaines suspicions
de déclin ou d’augmentation, compte tenu du plus
faible niveau de prospection avant 2002.
|
Les
outils pour agir, réduire le niveau de menaces et contenir
les pressions |
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La
déclinaison régionale du Plan national d’actions
en faveur des odonates
Ce plan doit contribuer à organiser toutes les ressources
et à coordonner les initiatives pour que celles-ci bénéficient
à la préservation des libellules, en commençant
par les espèces les plus menacées. Décliné
en région Île-de-France et actuellement dans la phase
de mise en oeuvre pour la période 2013-2017, il suit les
mêmes objectifs, adaptés au contexte francilien.
Le plan s’organise en trois axes : améliorer les
connaissances, agir pour la conservation, informer et sensibiliser.
Pour chacun de ces axes, des actions ont été prévues
sur toute la durée du plan. La coordination de ce plan
bénéficie du soutien financier de la DRIEE Île-de-France.
Les actions concernent en premier lieu des espèces jugées
prioritaires. Afin d’en garantir la cohérence, la
déclinaison francilienne du PNA a été élaborée
en parallèle avec la Liste rouge régionale. Ainsi,
la liste des espèces prioritaires a été réalisée
à partir des statuts de menace issus de l’exercice
d’évaluation régionale.
|
La contribution des espaces protégés
dans la conservation
des libellules menacées
La
localisation des espaces naturels bénéficiant d’un
statut de protection stricte ou de désignation conduisant
à une gestion favorable à la biodiversité
réserves naturelles nationales et régionales, sites
Natura 2000, parcs naturels régionaux…-, se révèle
pertinente au regard de la répartition des espèces
menacées dans la région (figure ci-contre). En effet,
la carte démontre que les principaux secteurs à
enjeux, c’est-à-dire ceux qui concentrent un maximum
de données d’espèces menacées, bénéficient
d’une ou plusieurs réglementations sur leur territoire.
Par exemple, le massif de Rambouillet est intégré
au Parc
naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse,
la vallée de l’Epte est incluse dans un site Natura
2000, une partie de la Bassée est en Réserve naturelle
nationale, le massif de Fontainebleau possède plusieurs
Réserves biologiques gérées par l'ONF...
Ce croisement cartographique est complété par l’analyse
des proportions de données dans chaque type de zonage.
Cette dernière fait apparaître que 85 % des données
d’espèces menacées sont situées dans
un périmètre de gestion ou de protection. Ceci souligne
la nette cohérence entre les enjeux et les outils de conservation
et renforce la responsabilité de ces espaces dans la préservation
des odonates menacés en Île-de-France. Il apparaît
donc nécessaire d’approfondir la prise en compte
de ces espèces par les gestionnaires et animateurs de ces
sites.
Si la corrélation positive entre le nombre de données
d’espèces à enjeux et la présence d’espaces
réglementés révèle une bonne adéquation
entre la réalité de terrain et l’application
des politiques publiques en faveur de la biodiversité,
elle s’explique aussi en partie, par le fait que ces secteurs
identifiés comme réservoirs de biodiversité,
sont aussi les plus prisés des observateurs et donc les
plus prospectés. Ainsi, si l’on se penche sur les
15 % de données restantes, produites hors périmètres
désignés, on peut identifier plusieurs sites susceptibles
de révéler des enjeux particulièrement stratégiques
pour la conservation de certaines espèces menacées
: population importante, habitats bien préservés…
Parmi les secteurs oubliés, citons la Vallée
de l’Ourcq ou la Forêt de Notre-Dame par exemple…
Un des objectifs de la déclinaison régionale du
PNA odonates est d’identifier ces zones stratégiques
afin d’envisager leur préservation vis-à-vis
des pressions qui pourraient les menacer.
Les espèces Quasi-menacées [NT] et Données
insuffisantes [DD], qui sont plus largement réparties
sur le territoire, semblent moins bénéficier des
périmètres de conservation. Ceci est particulièrement
criant pour les sites Natura 2000 et les Réserves naturelles
qui n’ont pas été désignées
ou établies à destination de ces espèces.
Enfin, il convient de noter le rôle important que pourraient
jouer les Parcs naturels régionaux grâce à
leur grande surface englobant des paysages aux milieux naturels
riches et variés. Ils apparaissent ainsi très pertinents
pour la préservation des odonates. Les espaces concernés
par des projets de Parcs naturels régionaux concentrent
également une proportion importante des données
de ces espèces.
À l’échelle nationale, tout comme à
l’échelle régionale, plusieurs espèces
de libellules ont été retenues dans les listes de
la Stratégie de création d’aires protégées.
Cette politique, qui vise à identifier les territoires
à enjeux en se basant sur une liste d’espèces
indicatrices, a pour objectif d’augmenter la surface d’aires
protégées en France. Déployée de façon
cohérente au niveau régional, cette stratégie
pourra ainsi accroître et consolider les périmètres
existants afin d’améliorer l’état de
conservation des populations franciliennes de libellules.
Enfin,
les Départements, à travers la mise en oeuvre de
leurs politiques dites Espaces naturels sensibles (ENS),
peuvent localement s’engager dans la gestion écologique
de milieux naturels. Cette gestion peut, directement ou indirectement,
bénéficier à la connaissance et à
la préservation des habitats de zones humides et ainsi
participer à la conservation de certaines libellules menacées.
À titre d’exemple, l’ENS du Marais d’Épisy,
en sud Seine-et-Marne, est sans doute l’un des sites les
plus riches d’Île-de-France en termes de diversité
odonatologique : 42 espèces recensées à ce
jour. Cependant, statutairement, les ENS ne sont pas toujours
des espaces strictement protégés et réglementés
pour la préservation de la vie sauvage. |
Répartition
des espèces menacées (RE, CR, EN et VU)
et à surveiller (NT et DD)
(sources : SfO/Opie) en
fonction des zonages réglementaires (sources
: DRIEE)
L’Agrion
de Mercure (Coenagrion mercuriale) est
une espèce qui cumule les statuts à travers différents
programmes de conservation et à travers différentes
échelles. Pour l’Île-de-France, son niveau
de menace demeure relativement élevé, elle a été
évaluée En danger d’extinction [EN].
© Jean-Pierre Delapré
|
Localisation
des espèces menacées (RE, CR, EN et VU)
et à surveiller (NT et DD)
(sources : SfO/Opie) sur
la carte de synthèse régionale schématique
des éléments
de la Trame verte et bleue (sources
: SRCE IDF/Ecosphère)
|
Les
continuités écologiques et la politique de Trame
verte et bleue
La Trame verte et bleue est une politique complémentaire
à celle de la Stratégie de création d’aires
protégées. Elle vise à restaurer des continuités
écologiques fonctionnelles permettant le maintien et la
circulation des espèces touchées par le phénomène
de fragmentation des écosystèmes. Cette politique
est adaptée et mise en oeuvre dans chaque région
à travers le Schéma régional de cohérence
écologique (SRCE) qui détaille des zones de «
réservoirs de biodiversité » et les «
corridors » à préserver ou à restaurer.
En Île-de-France, le SRCE a été adopté
par arrêté préfectoral en octobre 2013. Sa
prise en compte à travers les politiques d’urbanisme
et d’aménagement du territoire doit notamment bénéficier
à la diversité odonatologique et aux libellules
spécifiquement menacées par la fragmentation de
leurs habitats. Ceci concerne surtout les espèces à
faible mobilité, dont les capacités de déplacement
et d’implantation sont réduites ou contraintes par
la disparition de leurs habitats favorables. La figure ci-contre
permet de vérifier que les zones considérées
comme des réservoirs de biodiversité correspondent
bien aux secteurs à forts enjeux odonatologiques identifiés
dans les parties précédentes : 82 % des données
d’espèces menacées, Quasi-menacées
[NT] ou Données insuffisantes [DD] sont situées
sur ces réservoirs ou sur les corridors
de la sous-trame bleue, constituée essentiellement des
secteurs de zones humides : vallées, secteurs riches en
mares… Les secteurs de zone urbaine dense - Paris et petite
couronne - et de grande culture - Brie, Vexin - apparaissent comme
des zones de puits pour lesquelles une restauration
doit être envisagée. |
La complémentarité d’approche
avec les listes de protection
et déterminantes de ZNIEFF
Une Liste rouge a vocation à être évolutive
: elle sera mise à jour régulièrement, tous
les 5 ans, ce qui permettra de suivre l’évolution
du niveau de menace des odonates en Île-de-France. Il s’agit
d’un outil scientifique qui n’est pas figé
comme peuvent l’être les listes réglementaires.
Elles n’ont d’ailleurs pas la même vocation,
même si in fine, les listes de protection réglementaire
ont également pour objectif de protéger les espèces
menacées.
La région Île-de-France est la seule région
française à s’être dotée d’une
liste régionale de protection d’insectes qui inclue
11 espèces de libellules. Cependant, cette liste d'insectes
protégés a été produite en 1993 avec
les connaissances et les moyens d’analyse de l’époque
qui ne permettaient pas d'avoir le recul actuel.
Parmi les espèces présentes en Île-de-France,
4 figurent aux annexes II et/ou IV de la Directive Habitats-faune-flore.
Ce sont toutes des espèces considérées comme
menacées dans la région : la Leucorrhine à
gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) [CR], l'Agrion
de Mercure (Coenagrion mercuriale) [EN], la Cordulie
à corps fin (Oxygastra curtisii) [VU] et la Leucorrhine
à large queue (Leucorrhinia caudalis) [VU]. Ces
quatre espèces bénéficient donc d’un
statut de conservation adapté à leur degré
de menace, d’autant qu’elles font également
l’objet d’une protection en France par arrêté
du 23 avril 2007 et que trois d’entre elles - sauf O. curtisii
- sont sur la liste de la Stratégie de création
d’aires protégées.
Comme cité précédemment, l’Île-de-France
bénéficie également d’une liste régionale
d’espèces protégées. Cette liste permet
de protéger deux autres espèces parmi les plus menacées
à l’échelle régionale : le Sympétrum
noir (Sympetrum danae) [CR] et le Leste des bois (Lestes
dryas) [EN]. On y trouve également deux espèces
Quasimenacées [NT] : la Grande Aeschne (Aeshna
grandis) et le Cordulégastre annelé (Cordulegaster
boltonii), puis deux espèces à Données
insuffisantes [DD] : l'Aeschne paisible (Boyeria irene)
et le Sympétrum jaune d'or (Sympetrum flaveolum)
et enfin, deux espèces de Préoccupation mineure
[LC] : l'Agrion nain (Ischnura pumilio) et l'Agrion mignon
(Coenagrion scitulum). Il faut également noter
que l'Épithèque bimaculée (Epitheca bimaculata),
non évaluée [NE], figure aussi sur la liste
des espèces protégées en Île-de-France.
La liste des espèces déterminantes de ZNIEFF - Zones
naturelles d’intérêt écologique, faunistique
et floristique - compte 29 odonates en Île-de-France. Cette
liste se base avant tout sur des critères d’exigences
et de besoins écologiques des espèces en matière
de qualité et d’intégrité d’habitats
naturels. Parmi elles, on compte la quasi-totalité des
espèces menacées : seule la Leucorrhine à
gros thorax (Leucorrhinia pectoralis) [CR] n’est
pas déterminante, probablement parce qu’au moment
de la réalisation de la liste les dernières observations
dataient des années 1960. L’espèce considérée
comme Régionalement éteinte [RE], l'Agrion
orangé (Platycnemis acutipennis), est déterminante
de ZNIEFF, ainsi que deux des quatre espèces à Données
insuffisantes [DD], le Sympétrum jaune d'or (Sympetrum
flaveolum) et le Sympétrum vulgaire (Sympetrum
vulgatum). On peut donc noter une assez bonne concordance
entre la liste ZNIEFF et les espèces menacées. Cependant,
dans le cas d’une future mise à jour de la liste
des espèces déterminantes de ZNIEFF, la prise en
compte de l’actuelle Liste rouge devrait permettre d’ajouter
la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis)
et éventuellement d’y soustraire quelques espèces
considérées comme non menacées,
s’il s’avère qu’elles ne répondent
plus aux critères d’espèce déterminante.
La Trame verte et bleue propose une liste d’espèces
dites de cohérence nationale qui doivent être
prises en compte dans les Schémas régionaux de cohérence
écologique. En Île-de-France, les deux espèces
concernées sont menacées et déjà reconnues
d’intérêt communautaire par l’Union européenne
et strictement protégées en France : l'Agrion de
Mercure (Coenagrion mercuriale) et la Leucorrhine à
large queue (Leucorrhinia caudalis). Trois autres espèces
ont été identifiées comme pouvant présenter
un intérêt complémentaire en région
: deux espèces Vulnérables [VU] : l'Aeschne
isocèle (Aeshna isoceles) et la Cordulie à
taches jaunes (Somatochlora flavomaculata), et enfin
une espèce à Données insuffisantes
[DD] : le Sympétrum jaune d'or (Sympetrum flaveolum).
Il faut bien noter que ces différents statuts se combinent
pour certaines espèces qui ainsi cumulent les enjeux à
différentes échelles de prise en compte. La combinaison
de ces statuts peut permettre de hiérarchiser les espèces
pour définir des priorités d’actions suite
à un inventaire de site. Ce type de hiérarchisation
a également été réalisé pour
choisir les espèces prioritaires de la déclinaison
régionale du PNA Odonates. Le tableau ci-dessous
reprend les différents statuts de ces espèces qui
sont souvent qualifiées de prioritaires en terme
de conservation.
À l’inverse, certains odonates ne figurent sur aucune
de ces listes (39 %). La plupart d’entre eux sont considérés
comme de Préoccupation mineure [LC] et ne nécessitent
donc a priori pas de prise en compte particulière dans
les politiques de conservation. Cependant, 3 espèces évaluées
comme Quasi-menacées [NT], la Naïade aux
yeux rouges (Erythromma najas), le Gomphe semblable (Gomphus
simillimus) et la Cordulie bronzée (Cordulia aenea),
ainsi qu’une espèce à Données
insuffisantes [DD], le Leste fiancé (Lestes sponsa),
pourraient faire l’objet de préoccupations à
l’échelle locale. Si ces espèces devaient
finalement être considérées comme menacées
lors d’une prochaine évaluation, leur absence des
listes de statut réglementaire ne devrait pas inciter les
gestionnaires d’espaces naturels à les négliger
lors de la planification d’actions de conservation.
|
Répartition des statuts de menace en fonction des statuts
réglementaires
(sources
: SfO/Opie, à partir des textes réglementaires)
La Grande Aeschne (Aeshna grandis) a
été évaluée Quasi-menacée
[NT] en Île-de-France. Elle est caractéristique des
grands étangs et rivières larges en contexte boisé
dont la naturalité
apparaît bien conservée. © Xavier
Houard
Endémique
de l’Europe de l’ouest, la Cordulie à corps
fin (Oxygastra curtisii) est une espèce
caractéristique des eaux calmes - rivières lentes
et étangs - bordés d’Aulnes. Cette libellule,
évaluée comme Quasi-menacée [NT]
à l'échelle mondiale, semble actuellement étendre
légèrement son aire de répartition vers le
nord-est de la France. Elle a été cependant évaluée
Vulnérable [VU] en Île-de-France du fait
des pressions pesant sur ses habitats. © Sébastien
Siblet
|
Synthèse
des différents statuts de menace et de protection des espèces
retenues pour la déclinaison francilienne du PNA Odonates
(HOUARD et al., 2013) |
|
Les
modalités d’intervention pour la gestion des habitats
en faveur des odonates menacés
Les odonates se développent dans divers types
de milieux aquatiques et terrestres - zones humides - qui subissent
différentes dégradations. Les actions de conservation
ou de restauration visant à améliorer l’état
de conservation de ces insectes doivent donc être adaptées
à l’habitat concerné et aux pressions existant
sur le territoire. Il convient également de préciser
que localement les menaces spécifiques dépendent directement
du contexte entourant les stations d’espèces. Ces contextes
peuvent paraître très différents d’une
localité à l’autre, même si la nature
des menaces est relativement similaire. Ainsi, pour un même
type de milieu et/ou de menace, une mesure qui semble fonctionner
quelque part ne sera pas forcément pertinente ailleurs. Il
est nécessaire d’établir un diagnostic le plus
précis possible de l’état des populations d’odonates
et de fonctionnement de leurs habitats. La mise en oeuvre d’une
opération de gestion doit ainsi toujours se prévaloir
d’une analyse locale des menaces comptetenu des exigences
spécifiques des espèces visées par les mesures.
Les différents acteurs locaux doivent également être
consultés. L’appréhension des pratiques locales
et des usages apparaît souvent déterminante dans l’établissement
du diagnostic d’avant travaux puis dans la conduite du chantier
de restauration si celui-ci apparaît pertinent à mettre
en oeuvre.
Enfin, l’autochtonie des odonates, c’est-à-dire
l’ensemble des critères objectifs visant à établir
si l’espèce se développe de façon effective
au sein des habitats aquatiques du site étudié, demeure
le premier paramètre à considérer dans le diagnostic
odonatologique.
Une norme AFNOR précise les différents éléments
à prendre en compte ainsi que la méthodologie de conduite
de projets de génie écologique sur des zones humides
: gouvernance, concertation, cadrage réglementaire et financier,
étapes avant travaux, suivis et bilans… En ce qui concerne
les actions elles-mêmes, les paragraphes ci-dessous donnent
quelques orientations par grands types de milieux. Cependant, une
recherche bibliographique approfondie doit être menée
sur les habitats et espèces concernées ainsi que sur
des expériences déjà menées dans des
contextes similaires. En effet, ces connaissances sont nécessaires
pour effectuer les bons choix et pour s’assurer de l’efficacité
des mesures envisagées. |
Avant
de mettre en oeuvre une opération de gestion ou de restauration
sur une zone humide, il faut vérifier la réglementation
qui s’y applique. En particulier,
la Directive Cadre sur l’Eau et son application française
par la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (2006) amènent
des contraintes pour certains travaux
selon le type de zone humide concernée. Par exemple, les
travaux de curage sont soumis à des procédures d’autorisation
et de déclaration qu’il faut respecter. Enfin, toute
intervention sur les habitats odonatologiques devrait être
suivie d’une évaluation de son impact afin de juger
de son efficacité.
Ainsi, un suivi des populations d’odonates et de la qualité
des habitats doit être mené sur plusieurs années.
La conduite d’un protocole
standardisé tel que le propose le Suivi temporel des libellules,
établi par la SfO et le Muséum national d’Histoire
naturelle correspond
tout à fait aux besoins des gestionnaires de sites qui
souhaiteraient s’engager dans cette démarche. |
La Liste rouge régionale
des libellules d’Île-de-France
Coordination
: Xavier HOUARD & Florence MERLET, Opie-SfO
|
La Liste rouge régionale
des libellules
d’Île-de-France |
|
Comité d’évaluation
Experts : Thomas BITSCH (SfO), Benjamin BRICAULT (SfO-SNPN),
Jean-Louis DOMMANGET (SfO), Maxime FERRAND (SfO-Opie), Xavier
HOUARD (SfO-Opie), Martin JEANMOUGIN (SfO-MNHN), Florence
MERLET (SfO-Opie), Christophe PARISOT (SEME), Marion PARISOT-LAPRUN,
Sylvestre PLANCKE (SfO-CG77), Pierre RIVALLIN (SfO-SEME),
Florie SWOSZOWSKI (SfO).
Auditeur externe : Julien Birard (Natureparif)
Évaluateurs : Aurore Cavrois (UICN-France), Florian
Kirchner (UICN-France)
Comité
de rédaction
Frédéric ARNABOLDI (ONF), Thomas BITSCH (SfO),
Fabien BRANGER (RNN Bassée), Benjamin BRICAULT (SfO-SNPN),
Jean-Louis DOMMANGET (SfO), Maxime FERRAND (SfO-Opie), Nicolas
FLAMANT (Ecosphère), Xavier HOUARD (SfO-Opie), Martin
JEANMOUGIN (SfO-MNHN), Florence MERLET (SfO-Opie), Irène
OUBRIER (DRIEE), Christophe PARISOT (SEME), Marion PARISOT
-LAPRUN, Olivier PATRIMONIO (DRIEE), Sylvestre PLANCKE (SfO-CG77),
Pierre RIVALLIN (SfO-SEME), Sébastien SIBLET (Écosphère),
Florie SWOSZOWSKI (SfO).
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Partenaires du projet
Société française
d’Odonatologie : SfO
; Office pour les insectes et leur environnement : Opie
appui technique : Natureparif
et Comité français de l’UICN
soutien financier : Région Île-de-France
et DRIEE de l’Île-de-France
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